La littérature pour piano, à la fin du siècle dernier et au début du nôtre, est caractérisée par un refus de la grande forme au profit d'œuvres de dimensions réduites qui convenaient mieux à l'esthétique du temps.

En feuilletant les journaux de l'époque on est surpris par cet engouement du public pour les pièces à caractère intime : feuillets d'album, morceaux de genre etc... C'est l'époque de ''l'Allée Solitaire", "Les bûcherons", "Le banc de mousse",      "La source enchantée" de Théodore Dubois, de "Papillons noirs",   "Papillons blancs", "Eau dormante", "Eau courante" de Massenet, du "Conte Fantastique" de Raoul Pugno, des "Offrandes" et des "Arabesques" de Léon Delafosse etc... 
Chez les compositeurs qui sont passés à la postérité, on retrouve également ce goût de la petite pièce : Saint-Saëns compose des valses, des bagatelles, des mazurkas mais " un phénomène surprenant est, qu'à aucun moment de sa carrière, il n'ait envisagé pour son instrument la composition d'une sonate, d'une fantaisie, d'une ballade, de l'une ou l'autre de ces œuvres de style soutenu, de souffle généreux dont la forme seule, toute frémissante encore des chefs-d'œuvre qu'elle avait contenus eut suffi, semble-t-il, à vivifier, à ennoblir sa pensée pianistique. " (1)
A un niveau différent, chez Fauré, nous retrouvons ce même esprit avec ses romances sans paroles, ses valses-caprices, ses barcarolles etc..
La liste pourrait s'étendre à la plupart des compositeurs de l'époque ; citons pour finir CHABRIER et ses "Pièces pittoresques", Satie et ses "Gymnopédies", Reynaldo Hahn enfin ! car toutes ses œuvres pour piano sont des œuvres courtes, exception faite pour la Sonatine en ut majeur de 1907

L'esthétique des petites pièces que nous avons rassemblées arbitrairement sous le titre de "Feuillets d'album et pièces de circonstance" sera celle de pratiquement tous les autres recueils de Reynaldo; elle est caractérisée par la primauté de la mélodie faite de charme et de simplicité par le raffinement de l'harmonie et par l'écriture pianistique refusant systématiquement la virtuosité au profit d'un style de confidence intime.
En cela Reynaldo se rapproche du Mendelssohn des "Romances sans paroles" du TCHAÏKOVSKI des "Saisons" du GRIEG des "Pièces lyriques" ou, pour parler d'un de ses contemporains, du Gabriel Dupont des "Heures dolentes".

N.B. dans chacune des pages, en cliquant sur l'image vous pourrez lire l'analyse de Guy Sacre sur chacune des œuvres (extraite de son livre : La Musique de Piano, dictionnaire des compositeurs et des œuvres (Robert Laffont - Collection "Bouquins", 1998)

 

La musique pure n'est pas la forme d'art préférée de Reynaldo ; il écrit dans une lettre à Édouard Risler :
-Tout cède au charme de la voix - a dit BANVILLE : tout, c'est vrai ; c'est pourquoi, après avoir terminé de vagues besognes en faveur de vils instruments de bois et de boyaux de porc, je reviendrai et pour toujours à la divine voix... " [1]  

et plus loin :  

Je n'ai jamais ressenti, entends-tu, jamais, une émotion intérieure en écoutant une œuvre symphonique. Je ne suis ému qu'au théâtre ou lorsqu'il y a des paroles ! " [2]

Et pourtant Reynaldo nous a laissé de bien belles œuvres instrumentales : un trio avec piano (1896), un merveilleux quintette pour piano et cordes (1921), une sonate pour piano et violon (1926), trois quatuors et pas moins de quatre concertos, c'est beaucoup pour qui prétend ne s'intéresser qu'à la voix humaine !

A toutes ces œuvres instrumentales il faut ajouter quelques œuvres pianistiques qui entrent dans la catégorie de la musique pure.

1- Variations sur un thème de Levadé à 4 mains (1892) œuvre inédite

2- Variations puériles sur un thème de REINECKE à 4 mains (1904)              

3- Sonatine en Ut majeur (1907)

4- Thème varié sur le nom de Haydn (1910)

5- Deux études pour piano (1927)

Il faut mentionner également dans ce chapitre le Concerto pour piano qui fut créé en 1931 par Magda Tagliaferro qui en reçut la dédicace.


[1] Bernard Gavoty op. cit. p.186
[2]
Bernard Gavoty op. cit. p.60

 


(1) Alfred Cortot : La musique française de piano, 2ème série. Paris, P.U.F. 1948 - p.65

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