Il
faut attendre 1915 pour retrouver dans l'œuvre pianistique de Reynaldo des œuvres
se rapportant à la danse.
Cependant, entre ces deux dates, en 1907 est créé "Le Bal de Béatrice
d'Este", ce pastiche d'une grande finesse pour vents et piano qui
obtint un succès très mérité (Reynaldo en effectuera une transcription pour
deux pianos qui sera éditée par
Heugel) - Les circonstances de
la création de l'œuvre chez la
princesse de Polignac
[1] avec Reynaldo au piano sont retracées dans l'excellente biographie
proustienne de George D. Painter. L'œuvre sera ensuite jouée en Angleterre devant
la Reine Alexandra puis lors d'une fête en l'honneur de
Sarah Bernhardt (ces évènements
sont rapportés dans le "Ménestrel" des 15 et 29 Juin 1907).
Cette œuvre importante sera suivie, en 1908, d'un ballet créé à l'Opéra de Paris : "La Fête chez Thérèse" (composé en partie à Versailles au chevet de Proust). [2]
Puis c'est la guerre et le départ de Reynaldo pour le front; il écrit en 1914 :" J'éprouve une impossibilité totale à laisser finir la guerre sans la voir de près et sans y prendre une part active. " [3]
Cette période troublée, bien loin de ralentir sa production, voit éclore un grand nombre d'œuvres importantes ; il commence deux opéras : "Nausicaa" et "Le Marchand de Venise" (qui ne sera achevé qu'en 1935) et compose des mélodies - "Five little songs" et "Aux morts de Vauquois" - et, fait qui nous intéresse plus particulièrement ici, des œuvres pour piano : "Les jeunes lauriers", marche militaire et surtout "Le ruban dénoué", suite de valses pour deux pianos.
Une telle abondance
de production a bien sûr suscité des propos malveillants et Reynaldo écrit en
1935 :
" Les petits journaux de l'arrière écrivaient que je passais mon temps
à composer alors que j'écrivais mes petits morceaux sur mes genoux, à la sauvette,
entre deux coups de mains. "
et dans une lettre à Coco de Madrazo
:
" Je ne veux pas qu'on dise que je passe mon temps à composer et que
j'ai toutes mes aises, alors que j'écris mes petits morceaux dans l'espace de
deux ou trois heures, le soir, au bureau, sur mes genoux, dans l'attente du
courrier. " [4]
Reynaldo
composa cette joyeuse marche militaire pour les soldats de son régiment, le
310 R.I..
Henri Heugel l'offrit ensuite aux lecteurs du "Ménestrel" du 14 novembre 1919 accompagnée
de la présentation suivante :
" Dans cette marche composée au front pour la musique de son régiment,
Reynaldo Hahn semble avoir voulu se faire le successeur du Schubert des "marches
militaires" et il y a réussi avec toute la grâce et toute l'élégance qui caractérisent
son délicat génie. "
A Schubert il emprunte le ton héroïque des thèmes en accords à la rythmique vigoureuse, certaines formules d'accompagnement (cf. Trio de la marche en Ré, D. 733 n°1), les séquences d'introduction sous forme de fanfares sur l'arpège (cf. début de la même marche) et même la structure qui suit la forme ABABA, A représentant la marche et B le trio.
Cet entraînant pastiche contient de jolis thèmes (en particulier le second
élément "dolce grazioso" du trio), mais que de redites ! La reprise du
trio, sans aucune modification, n'était vraiment pas indispensable. A la décharge
de Reynaldo, on peut dire que ces redites font partie des caractéristiques de
la musique militaire et, par souci d'authenticité, il fallait qu'il s'y pliât.
extraits sonores dans la version pour orchestre militaire :
Musique des Gardiens de la Paix, direction Désiré Dondeyne
Musique principale de l'Armée de Terre, direction Jean-Michel Sorlin
[1]
George D. Painter : Marcel Proust, tome II - Paris, Mercure de France 1967p.
102
[2] George D. Painter : ibid. p.150
[3] Bernard Gavoty : Reynaldo Hahn, musicien
de la Belle Époque - Paris Buchet-Chastel, 1976 p. 223
[4] Bernard Gavoty : ibid. p. 228
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