1 Chanson d'automne

 

Première des sept mélodies du recueil Chansons grises, p. 2-3, elle représentera le compositeur dans Autographes de Musiciens Contemporains - 1900, gros catalogue dressé pour l'Exposition Universelle de 1900 à Paris, réunissant grand nombre de musiciens contemporains de Reynaldo Hahn. C'est dire la popularité que connaît cette mélodie auprès du grand public.

CHANSON D'AUTOMNE

 

Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon cœur
D'une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens,
Et je pleure ;

Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
De çà, de là,
Pareil à la
Feuille morte. 1

 

Analyse

 

Tonalité principale : do #

Ambitus : fa x 2 (1 re mes.) -  mi 3 (3 e mes.)

 

Remarquable est l'utilisation répétée (6 fois) d'une formule mélodico-rythmique sans cesse modifiée dans le détail au profit d'une lecture littéraire appropriée. Ce côté statique dégage une atmosphère d'une inévitable " langueur ".


Tempo : Lent et triste

Ex. 1 : Chanson d'automne, mes. 9- 10.

 

 

L'élément mélodique épouse à chaque fois trois vers du poème. Il s'enroule implacablement, dans un intervalle extrêmement réduit de 3 ce mineure, autour de la note pivot sol. Élément où une confusion tonale émerge (nous sommes en do # ) : l'ambiguïté est due au fa x lu en tant que sensible de sol. Mais une seconde ambiguïté apparaît autour de la note la  : cette dernière se présente comme une note tonique, repère fixe dans cette mélodie sinueuse. Cette phrase évolue à chaque reprise sur un accord tenu, lui conférant un aspect très expressif : tout est dans la diction, non dans l'ampleur mélodique. Un travail sur les sauts de 6 te, de 5 te en fin de phrase, sur une note appoggiaturée, brise la factice monotonie en un déchirement délicat.

 

La rythmique simple au demeurant, en croches principalement, joue subtilement par les accents (mes. 4), les silences, (mes. 15), les valeurs longues inattendues (mes. 8), ou bien par brisure en triolet (mes. 16), pour éviter un semblant d'ostinato compassé. Au contraire elle contribue, ainsi triturée, à une manifestation du malaise du poète par ses hésitations, ses arrêts, ses précipitations. Ce jeu reste subtil.

 

La structure générale respecte celle de la poésie de Verlaine  : trois parties quasi identiques qui amplifient, par cette répétition statique, à la fois le caractère maladif, quasi oppressant, sans espoir aucun du poète, et cette nostalgie qui se dégage des choses qui passent.

Partie A, : mes. 1 à 7, en do# ;

Partie A': mes. 7 à 13, en fa#, modulation à la sous-dominante, pour la formule au piano uniquement ;

Partie A'' : mes. 13 à 19 : retour en do#.

 

Chacune des trois strophes débute sur un effet a cappella qui a le mérite de placer la voix en première place, le piano n'étant présent que pour la soutenir discrètement par son harmonie.

 

Cette première pièce ouvrant le recueil donne le ton : délicat, réservé. Elle fait preuve aussi d'un travail subtil digne du genre mélodique : Reynaldo Hahn maîtrise parfaitement les écueils de la simple mélodie accompagnée.


1- Le texte ainsi présenté respecte la ponctuation et la présentation de Paul Verlaine. Nous pouvons alors mieux juger de la lecture qu'en fait Reynaldo Hahn.

 

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