Le Rossignol éperdu, poèmes (1899-1910)

Versailles (Série n°IV, Poèmes n°46 à n°53)

 

 

Les neuf derniers poèmes du " Rossignol éperdu" évoquent différents aspects de Versailles: ses jardins à la française, ses bassins, son histoire, son musée... 
I1 faut noter que le journal de Reynaldo offre en de très belles pages plusieurs descriptions des charmes de la cité royale. (1)

Poème n°46 : Hommage à Martius (1908)

C'est par cette pièce que commence la quatrième et dernière série du "Rossignol éperdu" intitulée "Versailles".
        " C. Martius, de l'ordre équestre, ami du dieu Auguste, inventa l'art de tondre les bosquets. (Pline, Hist. Nat. XII, 2)"

Ces vingt et une mesures suivent le schéma ABA.
A- Cette première partie est basée sur une formule mélodique d'une mesure constamment répétée dans des harmonisations toujours différentes. L'écriture est à 4 voix: la basse joue le rô1e de pédale de tonique, les parties intermédiaires cheminent chromatiquement et parallèlement
   

 
Le thème est ensuite repris par la basse superposé à des accords de la main droite.
B- Le motif mélodique expressif et syncopé est également confié à la main gauche, sur accompagnement d'accords à la main droite   
   

A- Cette pièce met en valeur la préciosité du langage harmonique de Reynaldo; dans la reprise de l'élément initial, il modifie une fois de plus l'harmonisation de la cellule mélodique. 

Poème n°47 : La Reine au jardin (Mémoires de Mme Vigée-Lebrun)

                " Un sceptre est inutile avec tant de beauté " (La Harpe) " Elle va par les escaliers... " (Verlaine)
  

Cette courte page présente un thème de sept mesures qui sera joué trois fois, les seules modifications toucheront son harmonisation.
La ligne mélodiques d'une simplicité gracieuse, présente un rythme uniformément pointé; l'accompagnement calmement, un accord par temps, "pas arpégé" dans les deux premières sections, "arpégé" dans la dernière.

Poème n°48 : Le réveil de Flore (Versailles, Bassin du Printemps, 1910)

                " Voici la saison joyeuse du délicieux printemps " (Baïf)

Une pièce enjouée et brillante, toute bruissante d'arpèges fluides; un souffle charmant de jeunesse exubérante passe à travers ces six pages qui ont toute la spontanéité d'une improvisation.
Le thème générateur de toute la pièce est caractéristique de Reynaldo par sa simplicité, son lyrisme délicat et son accompagnement discret.
    

    
Un deuxième élément mélodique superpose à des arabesques de la main droite des formules de duolets.
Figures décoratives ou cadencielles et passages purement mélodiques alternent dans une grande variété de tempi; le piano brille et s'épanche tour à tour, aux gammes en tierces et tourbillons d'arpèges succède le retour du thème tendrement expressif.

Poème n°49 : Le banc songeur (Grand Trianon, 1910)

        

Courte pièce entièrement construite sur une double pédale arpégée et syncopée.
Sur l'oscillation tranquille de la tonique et de la dominante se déroule une ample et calme mélodie dont la couleur nostalgique est due à l'emploi du mode de sol finale Ré. Après la partie centrale qui présente d'expressives modulations un bref rappel de la mélodie initiale éclaire le dénouement de la pièce par l'arrivée du mode majeur.

 

 

Poème n°50 : La Fête de Terpsichore (Parterre d'eau, 1908)

                "Chaque année, par une nuit d'été, les statues de nymphes et de déesses s'animent et passent un examen de danse devant un jury de fantômes où figurent, en perruque et en habit de cour, Lebrun, Marsy, Tubi, Le Hongre et Girardon."  
  

Par son caractère essentiellement décoratif cette pièce rappelle le quarantième poème "Faunesse dansante": même profusion de gammes légères et de formules de broderies, même écriture mélodique très ornée rappelant le clavecin, même harmonie si légère qu'on la dirait "sans basses". Une musique de divertissement précieuse qui trace un tableau peuplé d'ombres dansantes et de jeux d'eau. 

Poème n°5I : Adieux au soir tombant - Duo mimé (extrait de La Fête chez Thérèse)

Le Ménestrel - 12 Février 1910: " Demain Dimanche sera donné, â l'Opéra, la répétition générale du nouveau ballet "La Fête chez Thérèse", musique de Reynaldo Hahn sur un poème de Catulle Mendès."  

Ce poème est donc la transcription "d'une des pages les plus gracieuses de la partition", preuve qu'en 1910 la vogue des transcriptions d'œuvres lyriques ou chorégraphiques à la mode n'est pas encore éteinte.
Ce duo mimé possède, dans la littérature pianistique romantique, un ancêtre célèbre : la sixième romance sans paroles de l'opus 38 de Mendelssohn, sous-titrée "duetto"; au lied intime Reynaldo répond par un véritable duo d'opéra typiquement français. Le lyrisme de la mélodie qui dialogue entre les deux mains est accentué par le mouvement entièrement syncopé de l'accompagnement en accords.

    

     

 

 

Poème n°52 : Hivernale (Environs de Versailles, 1910)

Les formes rondo et thème varié se fondent pour donner naissance à ce poème dont la froide ordonnance contraste avec l'expression sentimentale du numéro précédent.
A- Un thème d'accords de trois sons est joué par la main gauche seule dans l'inhabituelle mesure à 7/4 C
   

      

B- Une ligne mélodique en valeurs longues simplement accompagnée par des accords brisés.
A- Le refrain est varié: la mélodie du thème d'accords est doublée sur quatre octaves, accompagnée par une pédale de dominante.
C- Dans une stricte écriture à quatre parties l'harmonie qui jusqu'ici était restée - comme figée par le froid - dans le ton initial de fa dièse s'anime dans une succession de modulations intéressantes



B- est repris sans modification.
A- Le dernier refrain est à nouveau varié, il est placé sur pédale de tonique et utilise le registre suraigu du clavier.

Poème n°53 : Le pèlerinage inutile (Saint-Cloud - Pavillon bleu - Versailles, 1910)

                " que peu de temps suffit à changer toute chose! " (V.H.)

Ce poème qui clôt le recueil en est l'une des pages les plus intéressantes tant par son attrait mélodique que par le raffinement de son écriture harmonique.
Le schéma ABA qui est un de ceux que Reynaldo utilisa le plus fréquemment est encore une fois décelable dans cet ultime poème.
A- Un long thème rêveur, triste et balancé est d'abord exposé à découvert, il sera ensuite repris trois fois avec des harmonisations différentes, la deuxième fois en octaves et la troisième en tant que mélodie intérieure (registre de ténor) accompagnée par des accords légers.
   

       

B- La section centrale déploie une longue arabesque tourmentée et expressive qui dialogue avec les trois autres parties de la polyphonie.
A- Le thème de la première partie vient se greffer â l'intérieur de cette écriture dense, il est donné en partie de ténor. Pour la dernière exposition du thème, l'accompagnement en accords (avec une harmonisation toujours différente) reprend, le calme rythme de trochée qui avait caractérisé ses précédents énoncés.

La mélancolie désabusée de ce dernier poème rejoint l'atmosphère nostalgique du " Frontispice " qui ouvrait le recueil que Reynaldo - le Rossignol éperdu - écrivit "avec des larmes rentrées".

 


(1)- Reynaldo Hahn : Notes (Journal d'un musicien) p.81-83, p.99, p.120-121, p.123-128

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