C'est sous ce déterminatif que nous regroupons dans ce mémoire ces trois courtes pièces vocales, en référence au titre du film La Dame aux Camélias auquel elles appartiennent. Effectivement, elles ne possèdent pas de titre général.

Elles sont imprimées par les Éditions Joubert & Cie en 1934, sous les références A. J. 1000 22/23/24.

            Voici les trois titres :

I C'est à Paris ! 
     
     
II Mon rêve était d'avoir.


par Suzanne-Marie Bertin

 
     
III Au fil de l'eau.
   

 

1. Présentation matérielle

Les partitions sont de grand format : (27,5 x 35) ; non brochées, elles sont imprimées de façon bien commune sur papier blanc avec les lettres en encre noire. Seule la pièce intitulée Mon rêve était d'avoir..présente une facture plus élaborée. Voici sa description.

a)  La première de couverture

Elle se compose d'une photo de grand format (18 x 14) de la chanteuse et actrice Yvonne Printemps, en noir et blanc : les épaules dégagées, tenant de sa main droite gantée un éventail ouvert appuyé au menton, elle regarde face à nous.

Le titre Mon rêve était d'avoir.. est placé au-dessus, suivi de la formule « Morceau créé par Yvonne Printemps ». De part et d'autre de la photo, il est rajouté « dans le film », alors qu'en dessous « La Dame aux Camélias » est en gros caractères soulignés ; puis « Paroles de Albert Willemetz », « Musique de Reynaldo Hahn » ; enfin le nom de l'éditeur et le prix « Net : 6 frs ».

Cette mélodie Mon rêve était d'avoir. se démarque des deux autres pour d'autres raisons : elle se présente sous la terminologie « mélodie », à la différence des autres qui sont présentées comme « chanson ». De plus, elle possède des pages numérotées (de 1 à 3) alors que les deux autres sont imprimées sur deux pages uniquement, sans numérotation. Enfin, elle est placée en première position, ce qui contredit à la fois sa référence d'édition (J. 10023, cf. infra) qui aurait dû la placer en seconde position, et l'ordre indiqué sur la dernière de couverture :

1          C'est à Paris !
2          Mon rêve était d'avoir.
3          Au fil de l'eau.

b)  La dernière page de couverture

Elle présente deux brefs extraits musicaux des deux autres pièces (C'est à Paris ! et Au fil de l'eau), de huit mesures sur deux systèmes. C'est un procédé publicitaire que l'on retrouve couramment à l'époque au dos de certaines partitions.
Ce qui est à remarquer, c'est que les deux autres mélodies ont ces mêmes extraits musicaux imprimés, ce qui peut paraître comme une erreur d'impression. En effet comment expliquer qu'en dernière page de Au fil de l'eau par exemple, on retrouve un extrait de cette propre mélodie ? Cela nous apprend surtout que l'impression de la mélodie Mon rêve était d'avoir.. devait prévaloir sur les deux autres : l'imprimeur s'attendant à vendre plus aisément celle-ci pour vendre ensuite celles-là[1].

Autre appel publicitaire : sur chacune des partitions, il est imprimé, en caractères gras, sur la tranche de la feuille, en position verticale, les mots « enregistré sur disques ». On incite ainsi le nouveau propriétaire de la partition à s'enquérir aussi du disque.

La maison Joubert misait ainsi à la fois sur la renommée d'Yvonne Printemps, en tant de chanteuse interprète et actrice, et sur l'impact de son interprétation dans le film.

2. Diffusion

Voici les titres de chacune d'elles et leur référence :

1          C'est à Paris !                        A. J. 10022
2          Mon rêve était d'avoir.        A. J. 10023
3          Au fil de l'eau.                        A. J. 10024

Il ne nous est pas parvenu le nombre d'exemplaires tirés. Nous savons seulement que le film connaît un énorme succès : Yvonne Printemps, déjà connue, et dont c'est son premier film, a pour partenaire Pierre Fresnay, non moins célèbre à l'époque.

La maison Joubert, spécialiste en édition de de musique légère, siégeait au 25 rue d'Hauteville à Paris. Elle est aujourd'hui représentée par les Éditions Chappell, toujours à cette même adresse.

3. Présentation poétique et musicale

Ces trois mélodies sont tirées du film réalisé par le jeune metteur en scène Fernand Rivers en 1934. Cette production fut supervisée par Abel Gance, auteur déjà reconnu à l'époque. Ce fut aussi le premier film que tourna la chanteuse de grand renom, Yvonne Printemps.

Il nous faut préciser que ces trois mélodies sont insérées dans le film qui possède sa propre musique originale, celle-ci composée par Fernand Masson ; cela n'est pas sans rappeler les trois (!) mélodies de Maurice Ravel, Don Quichotte à Dulcinée composées spécialement pour la basse russe Fédor Chaliapine (1873- 1938), en 1932 / 1933 pour un autre film[2].

Yvonne Printemps est une ancienne connaissance de Reynaldo Hahn : elle participe à la création de Mozart, comédie musicale dont le texte est signé Sacha Guitry et présentée au Théâtre Édouard VII en décembre 1925 en y tenant le rôle-titre.

Albert Willemetz (1887- 1964) est le célèbre librettiste à la verve reconnue,  auteur, notamment, de Phi-Phi (1918) musique d'Henri Christiné (avec le fameux Dans la vie faut pas s'en faire), de Coup de roulis[3] (1928) d'André Messager. En 1933 il écrit les couplets de Florestan 1er  de Sacha Guitry, collaborateur heureux avec Reynaldo Hahn, et Yvonne Printemps (cf. supra) dans Mozart . Il est le parolier de chansons devenues populaires comme Mon homme, Ah ! si vous connaissiez ma poule[4].

L'écriture musicale de ces mélodies présente des finesses harmoniques et mélodiques qui ne leur confèrent nullement un style de chanson franchement populaire et ce, malgré un clin d'œil au langage « titi parisien » dans les paroles (« Où's qu'y a d'bell's fill's »)[5], ou la présence de quelques notes appoggiaturées[6] ou de broderies[7] qui viennent fleurir la ligne vocale.

Le recueil est écrit pour voix moyenne : la tessiture s'étend du si b 2 au fa# 4[8]. Cela peut nous interpeller : elle ne répond pas exactement à celle d'Yvonne Printemps qui est une soprano[9], que Reynaldo Hahn qualifie de falcon[10] Comment alors justifier cet ambitus quelque peu modéré sinon que par cette volonté d'écrire des pièces qui puissent être chantées plus tard par un large public non spécialiste.

 

Sylvain Paul Labartette


 

[1] Petite anecdote significative :  dans le fichier de la BnF, Département Musique, n'était référencée que la mélodie Mon rêve était d'avoir. ; c'est ma propre recherche qui a révélé l'existence des deux autres mélodies qui n'avaient pas été répertoriées et maladroitement comprises avec celle-là.

[2] Et dont le compositeur retenu est Jacques Ibert avec ses Quatre Chansons de Don Quichotte.

[3] Cf Reynaldo Hahn, L'oreille au guet , p.195.

[4] Fonds Albert Willemetz, 11 bis rue Marbeau, Paris [willemetz@wanadoo.fr].

[5] Sous les premières mesures de C'est à Paris !

[6] À la mesure 6 dans Au fil de l'eau.

[7] Aux mesures 2,4, 33 par exemple dans C'est à Paris !

[8] Pour cette présentation-ci, nous indiquons l'ambitus de voix de femme.

[9] Cela reste discuté : cf. Dictionnaire des interprètes, Alain PÂRIS, Paris, Robert Laffont, 1995, p. 782.

[10] En référence à la soprano française Marie Falcon (1814 /1897) : voix d'un registre large (cf.  The New Grove, London, 2nd edition, 2002, p. 524) ; Voir aussi Reynaldo Hahn, L'oreille au guet, p. 138.

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