Ce recueil est imprimé par la maison Heugel sous la référence 22 851 le 14 janvier 1907. En voici les onze titres qui le constituent :

I Dans le ciel est dressé le chêne séculaire
           
                     
II Encor sur le pavé, sonne mon pas nocturne
       
   
               
III Quand reviendra l'automne avec ses feuilles mortes
           
   
               
IV Belle lune d´argent
       
   
               
V Quand je viendrai m´asseoir
   
               
VI Eau printanière
           
   
               
VII Donc vous allez fleurir encor
           
   
               
VIII Compagne de l'éther
   
   
               
IX Pendant que je médite.
           
   
               
X Roses en bracelet
           
   
               
XI Aux rayons du couchant
           

1. Présentation matérielle

  Recueil de grand format (24 x 32), non broché, il comporte les pages de couvertures, deux pages de garde, et 38 pages numérotées.

a)  La première de couverture

La gravure, signée ED, représente des feuilles de cyclamen aux quatre coins de la page : groupées par trois dans les coins supérieurs et douze en bas, réparties de façon symétriques. Le tout est relié par de fines tiges entrecroisées. Au centre, dans un dessin élaboré aux motifs floraux contournés (on peut y reconnaître des fleurs de cyclamen), un petit paysage boisé : un chemin disparaît derrière deux bas-côtés surélevés, avec quelques arbres ; tout cela se détache d'une étendue d'eau ; plus loin, la rive d'en face dans la pénombre.
Les tons sont dans diverses teintes ocre-orangé sur fond crème clair.
Se positionnent, en haut de la frise, le titre en noir et en bas le nom du compositeur.

b)  La première page de garde

Voilà encore un motif végétal qui encadre la table avec les onze titres : de feuilles en pied très échancrées s'élèvent de longues tiges courbes s'épanouissant en immenses fleurs très stylisées. La couleur générale reste dans les tons ocre.

c) La quatrième de couverture

Elle est le catalogue de la musique vocale du compositeur.

2. Diffusion

Le recueil des Feuilles blessées est tiré à un nombre moyen d'exemplaires. Voici le classement d'exemplaires imprimés (1904 /1989) :

 

Les Feuilles blessées

Rang

I    Dans le ciel est dressé le chêne séculaire

5e

II   Encor sur le pavé, sonne mon pas nocturne

6e ex æquo

III  Quand reviendra l´automne avec ses feuilles mortes

6e ex æquo

IV  Belle lune d'argent

6e ex æquo

V   Quand je viendrai m´asseoir (Dans la nuit)        

1er

VI   Eau printanière  

3e ex æquo

VII  Donc vous allez fleurir encor

6e ex æquo

VIII  Compagne de l'éther (Fumée)     

2e

IX   Pendant que je médite.           

6e ex æquo

X    Roses en bracelet

3e ex æquo

XI   Aux rayons du couchant

6e ex æquo

Le recueil a été édité aux États-Unis par Recital Publications of Huntsville, Texas (avec les Chansons grises, les Études Latines et Venezia).  

En plus de cette édition en recueil, la maison Heugel a imprimé des éditions séparées pour chacune de ces mélodies. Elles sont proposées à des tarifs différenciés et ont des références non suivies.

En voici le tableau :

Titre  Référence  Tarif
I          Dans le ciel est dressé [.]   Heugel 22 851 à 1 fr
II         Encor sur le pavé, sonne [.] Heugel 22 852 à 1 fr
III       Quand reviendra l'automne Heugel 22 853 à 1 fr
IV       Belle lune d´argent Heugel 22 854 à 1,50 fr
V         Quand je viendrai m´asseoir Heugel 22 855 à 1, 50 fr
VI       Eau printanière Heugel 22 856 à 1 fr
VII      Donc vous allez fleurir encor Heugel 22 879 à 1, 50 fr
VIII    Compagne de l'éther Heugel 22 962 à 1, 50 fr
IX       Pendant que je médite. Heugel 23 209 à 1, 50 fr
X         Roses en bracelet Heugel 23 210 à 1 fr
XI       Aux rayons du couchant Heugel 23 211 à 1, 75 fr

À la différence de certaines mélodies d'autres recueils, aucune d'entre elles ne sera proposée dans Le Journal Le Ménestrel.

Au demeurant, rappelons que deux d'entre elles (Quand je viendrai m'asseoir et Compagne de l'éther) sont rééditées dans le second volume en mars 1922 sous des titres différents, respectivement : Dans la nuit et Fumée. Peut-être pouvons-nous y voir, par cette nouvelle réédition, une certaine reconnaissance auprès du public (cf. leur tirage dans le tableau ci-dessus), ces mélodies faisant alors office d'appel publicitaire pour l'ensemble de ce second volume.

Enfin il existe une de ces mélodies  reprise dans une édition américaine[1]: c'est Fumée (c-à-d Compagne de l'éther).

3- Présentation des dédicataires

Le recueil est dédicacé à Édouard Risler.

Joseph-Édouard Risler (1873 /1929) est un célèbre pianiste : il donnera la première exécution intégrale des sonates de Beethoven en France, en 1905[2]. Il est professeur au Conservatoire.

Grand ami de compositeur qu'il connaît depuis 1894 (il est déjà le dédicataire de la mélodie Fleur fanée éditée en mars 1894) il est l'interprète en première audition de la sonatine en UT de Reynaldo Hahn le 4 avril 1908 à la salle Érard.

Voici les différents dédicataires présents dans ce volume :

III   Quand reviendra l´automne.

à M. Fernand Ochsé          

IV   Belle lune d´argent

à M. Georges Vaudoyer

V   Quand je viendrai m´asseoir (Dans la nuit)

à Madame M. de Lisboa

VI  Eau printanière   

à Madame Édouard Risler           

XI  Aux rayons du couchant

à M. Henri Duparc

Des amis proches du compositeur comme Madame Édouard Risler, Fernand Ochsé[3], compositeur de musique légère[4] ou bien l'architecte et fin chanteur amateur[5] Georges Vaudoyer sont ainsi honorés. Le compositeur Henri Duparc n'est plus à présenter.

4. Présentation poétique et musicale

Le choix des poèmes d'un même auteur conforte l'idée de cycle de ces Feuilles blessées. Ces textes sont extraits des Stances de Jean Moréas, œuvre imposante qui se compose de quatre-vingt-treize stances réparties en six livres. De son vrai nom Ioannis Papadiamantopoulos, Jean Moréas, (1856 - 1910), est un poète de la mouvance du Parnasse contemporain et essentiellement parisien : les poèmes choisis par Reynaldo Hahn le démontrent parfaitement.

C'est donc le cinquième poète de cette esthétique littéraire que choisit Reynaldo Hahn après Paul Verlaine (les Chansons grises), Théodore de Banville et Catulle Mendès (les Rondels) et Leconte de Lisle (les Études latines). Mary Robinson n'en est pas éloignée non plus.

Le titre général de ce recueil, Feuilles blessées, viendrait des vers du poème de la neuvième mélodie Pendant que je médite :

« J'entends le bruit du vent dans les feuilles blessées »[6].

Ce choix de titre s'explique par la teneur poétique de toutes ces pages emplies de nostalgie, de regret, sinon de peine refoulée. Atmosphère noire, ténébreuse, quasi suicidaire, dans laquelle l'automne de la vie du poète n'est chanté que pour en exprimer la fin inéluctable, à l'image de ces feuilles blessée qui viennent couvrir le pavé [7].

Ces onze mélodies ont été classées par ordre chronologique de composition, dates qui sont précisées, pour la plupart d'entre elles, à la fin de chacune des pièces sur la partition.

Voici les dates (et lieu quand cela est précisé) de composition pour chacune d'elles :

Titres  Lieu Date
I          Dans le ciel est dressé [.]      1901
II         Encor sur le pavé [.] Paris 1901
III       Quand reviendra l´automne [.] Versailles 1903
IV       Belle lune d´argent  Versailles 1904
V         Quand je viendrai m´asseoir   Versailles 1904
VI       Eau printanière  Versailles Automne de 1905
VII      Donc vous allez fleurir encor   Versailles 1905
VIII    Compagne de l´éther   Paris 1906
IX       Pendant que je médite. Paris 1906
X         Roses en bracelet   Constantinople Printemps 1906
XI       Aux rayons du couchant Salzbourg Août 1906

Nous ne connaissons pas la date de composition pour la mélodie n°9, Pendant que je médite.. Le manuscrit ne comportant aucun indice il nous semble pourtant naturel de penser que la composition dût être faite durant cette même période, l'auteur travaillant de façon cohérente sur ces stances de Moréas. D'autre part, on peut penser que c'est le compositeur qui a dû lui-même placer à ce rang cette pièce lors de l'impression du recueil. Rappelons enfin que c'est de cette mélodie que provient le titre de cet album (cf. supra).

On ne tiendra pas compte ici d'une progression harmonique comme pour les Chansons grises. Pourtant la dernière des mélodies clôt très bien ce cycle, et pour deux raisons. D'une part les derniers vers résumeraient à eux seuls le sentiment général éprouvé par le poète dans l'ensemble de ces pièces sélectionnées par Reynaldo Hahn. Les voici :

« Je veux me disperser ce soir dans le malheur
De l'automne qui vient, de l'automne en sa fleur. »

D'autre part, cette mélodie se conclut par un long postlude (20 mesures) qui ferme l'ensemble de façon très significative.

L'ambitus vocal pour l'ensemble de ces mélodies s'étend du si 1 (Dans le ciel est dressé le chêne séculaire, Eau printanière et Quand reviendra l'automne.) au sol 3 (Quand je viendrai m'asseoir). Si elles peuvent présenter un ambitus de voix de ténor, tenant compte de la gravité des textes et de la tessiture générale, elles gagneraient à être interprétées par un baryton.

 

Sylvain Paul Labartette

 

 

 

partition disponible à la vente chez Leduc : HE 22851


[1] Twelve songs by Reynaldo Hahn, selected and edited by Sergius Kagen, (F. & E.), New York, International Music Company, 1952 - 1960 (réf. 1128).

[2] D'octobre à décembre, à la salle Pleyel du 22 rue Rochechouart à Paris.

[3] Willy Schuh rapporte le mot célèbre d'Ochsé en parlant des mélodies de Reynaldo Hahn : Mélodies en gants de suède (p. 106 in Zum Liedwerk Reynaldo Hahns, Schweizer Beiträge zur Musikwissenschaft (2) 1974).

[4] Cf. Reynaldo Hahn, L'oreille au guet, p. 191.

[5] Cf. Mécènes et musiciens de Myriam Chimènes, Paris, Fayard, 2004, p. 144.

[6] Aux mesures 10 /13.

[7] Aux mesures 12 /14 de Pendant que je médite.

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