Conclusion

 

 

Nous voici arrivés, mesdemoiselles, à la fin de notre programme.

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur le chant : c'est un sujet inépuisable, tant au point de vue matériel qu'au point de vue esthétique. Peut-être me sera-t-il donné de revenir un jour m'en entretenir avec vous.

Laissez-moi espérer d'ici là que j'aurai réussi à vous persuader de quelques-unes des vérités qui me sont chères et surtout de celle-ci, que je ne me lasserai jamais d'énoncer :

Le chant n'est beau que s'il est significatif. La beauté d'une voix, la performance vocale proprement dite peuvent procurer un agrément, mais ne sauraient constituer, à elles seules, un plaisir complet ni une forme d'art. Le chant ne doit pas se contenter d'impressionner l'épiderme ; il doit viser à intéresser l'esprit, à émouvoir les régions les plus profondes de l'être. C'est une tâche difficile. Aussi le chanteur doit-il tout d'abord se pénétrer de cette difficulté, et ensuite s'efforcer d'acquérir par un travail minutieux la maîtrise technique grâce à laquelle il pourra mettre sa voix au service de sa pensée, de son imagination, de son cœur. Enfin, il doit s'efforcer, au moyen d'observations innombrables, de contemplations, de méditations, de conférer à son chant cette puissance expressive, dynamique ou hallucinante sans laquelle le chant n'a que bien peu de valeur.

Ces choses, je les ai proclamées cent fois et je les dirai encore ; et peut-être, à force de les redire, finirai-je par les faire croire aux jeunes chanteurs.

Ce serait si beau, une renaissance du chant en France, dans le pays qui fut le berceau de la liturgie, dans le pays des troubadours et des trouvères, dans ce pays où l'on a si bien chanté durant des siècles, au théâtre, à l'église, dans la ville et dans les champs, dans le pays qui nourrit magnifiquement le drame lyrique, où le génie italien Lulli trouva un terrain si fertile, où le génie allemand de Gluck connut son apogée ; dans le pays de Lambert, de Guédron, de Boesset, du brillant Campra, du grand Rameau, dans le pays qui vit fleurir la romance et naître tant de chanteurs illustres Legros, Sophie Arnould, Garat, Elleviou, Mme Dugazon, Duprez, Faure, Mme Carvalho, et qu'adoptèrent tant de grands chanteurs étrangers, dans le pays tempéré, au chant harmonieux et lyrique, éloquent et sobre qui sait concilier la véhémence allemande à la langueur italienne et tirer de cet harmonieux mélange, l'impression juste, l'accent définitif.

Cette renaissance, je la souhaite de tout mon cœur, je ne désespère de la voir se réaliser, et ce serait pour moi une grande fierté de pouvoir  me dire que j'y aurai peut-être contribué, fût-ce pour une très modeste part.

Loading
 

 Analyse d'audience

Creative Commons License
This work is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivs 3.0 Unported License