Marcel Proust
Lettres à Reynaldo Hahn

VI-190

[Versailles, vers le 15 décembre 1906) 1

 

 

Buninuls

 

Bouleversé d'apprendre que vous ne partez pas Amérique 2 -. De joie -. De crainte -. " Qu'est-ce que ça signifie " (comme vous [dites] moschant).-.

Naturellement comme c'est la lettre de Sargent que vous voulez c'est celles (ci-jointes) d'Isnaga et de Gregh que je trouve. Mais celle de Sargent n'est pas perdue. Je la chercherai mieux, la trouverai, l'enverrai.

L'édition de W. Scott est-elle illustrée? Si oui c'est parfait. Si non cela ira tout de même. Donc voulez-vous faire envoyer au plus vite douze volumes de l'édition [Scott] à Mademoiselle Adèle Weil 22 [Place] Malesherbes Paris de ma part et me faire envoyer la note à moi 3.

B.
 

J'ai vu Picquart mentir aux Menard Dorian,
D'Arnoux 4 paraître fin aux foules d'Orient,
Alvarez faire un kouac qu'il esquive en riant 5
Mais vites-vous, ô Joseph, ô Reginald, ô
Wladimir, d'un bémol se tromper Reynaldo?

(Marcel Proust : Quatrains de 5 vers p. 117)

 


1. Hahn 121 (n° LXXVI). Quelques mots manquent à l'endroit où le papier de l'original est déchiré; nous les restituons entre crochets. Lettre écrite de Versailles, vers le 15 décembre 1906 : voir la note 2 ci-après.

2. Cf. la lettre du même au même que je date du jeudi soir 13 décembre 1906, écrite alors que Proust songe encore à venir assister à Paris au départ du destinataire pour les Etas-Unis. Cf. la lettre 192 ci-après, où Proust revient sur la question : "ne comprends rien au revirement américain. "

3. Cf. la note 2 de la lettre précédente du même au même ci-dessus.

4. Comme nous le voyons d'après la lettre 155 du même au même Proust avait rencontré à Versailles le comte et la comtesse d'Arnoux.

5. Il s'agit du ténor Albert Gourron, dit Alvarez (1861-1933), en vedette à l'Opéra à l'époque. L'année suivante, il devait intenter un procès à Comœdia, lui réclamant 100 000 francs de dommages-intérêts pour avoir insinué dans un article qu'il ne chantait pas juste. Reynaldo Hahn a dû en faire l'observation avant que les journaux aient osé en parler.