Marcel Proust
Lettres à Reynaldo Hahn

VII-138

[Le jeudi soir 11, août 1907]1

Genstil,

 

Voici sous forme de lettre idiote incohérente et illisible une vue d'elle-même plus juste que vous pouvez soumettre à Cydalise, pour corriger la mauvaise impression que Cydalise a dû lui faire. Pour ajouter à la lettre quelque chose n'ayant pas de rapport à elle pour que cela ait l'air plus naturel, je vous racontais en post-scriptum la parenté Van Zandt mais je me rappelle que je vous l'ai dite déjà. Alors j'ai voulu le barrer mais j'ai eu peur qu'elle ne crût que c'était une restriction que vous aviez barrée et je n'ai pas osé. Quant à recommencer je suis trop phastigué. Faites pour le mieux. Si je barre quelque chose ce sera le nom de Bourdeau (lui a quelques inconvénients, mais peut'être le laisserais-je.

Tendresses

Buncht.
 

Je pense à la salade que vous avez " composée ", genstil. Je suis sûr qu'elle est reboussante 2.

 


1. Hahn 140-141 (n° XC). Sur papier de deuil. Lettre qui semble avoir été écrite immédiatement après celle du même au même que j'ai pu dater du Jeudi soir [1er août 1907] ci-dessus allusions au portrait de Cydalise, à " la parenté Van Zandt " et au " nom de Bourdeau ".

2. On peut se demander si ce n'est pas Reynaldo Hahn qui aurait suggéré à Proust l'idée de la salade invraisemblable que la mère du narrateur fait servir à dîner le jour où l'on invite le marquis de Norpois, dans A l'ombre des jeunes filles en fleurs :
" Ma mère comptait beaucoup sur la salade d'ananas et de truffes. Mais l'Ambassadeur, après avoir exercé un instant sur le mets la pénétration de son regard d'observateur, la mangea en restant entouré de discrétion diplomatique et ne nous livra pas sa pensée. " I, 459.