Reynaldo rapporta ce conte en musique d'un séjour qu'il fit à Münster-am-Stein au printemps de 1891.
Les onze pièces de ce recueil commentent les différentes parties du conte, chacune est précédée d'un texte et d'une illustration de Louis Montégut.
L'œuvre fut préfacée par Alphonse Daudet dans le salon duquel Reynaldo fit ses débuts mondains, présenté par Massenet et Risler. Ce même Daudet que liait à Reynaldo une tendresse toute filiale commanda au jeune compositeur de quinze ans une musique de scène pour sa pièce " l'Obstacle "; il lui offrit ensuite le poème " Trois jours de vendange " qui figurera dans le premier volume des mélodies.  

Les pièces de ce recueil sont très courtes, la n°7 fait douze mesures et la plus développée, la n°10, atteint tout juste cinquante mesures.
Malgré leur brièveté certains morceaux n'échappent pas à la monotonie ni à la platitude (ce qui n'était pas le cas  pour les charmants feuillets d'album du recueil " Juvénilia " composé à la même époque). La simplicité était sans doute une règle pour ce genre d'œuvre qui correspond on ne peut mieux au style de la musique de salon.
A la lecture de la partition on imagine très bien les circonstances qui devaient accompagner l'exécution d'une telle œuvre: la jeune fille de la maison est au piano, une autre récite le conte (il faut se rappeler l'importance du rôle joué par les " monologues ", " saynètes " et autres " pièces de salon " dans les maisons bourgeoises de la fin du XIX° siècle) et l'assemblée frivole applaudit ces jeunes amateurs. Musique pour amateurs, musique pour " jeunes filles du monde ", telle est l'impression que donne cette œuvre pour des oreilles d'aujourd'hui.

Toutes ces pièces sont monothématiques et leur monotonie vient du fait qu'elles sont presque toutes basées sur une formule qui d'un bout à l'autre de la pièce n'évolue guère. Reynaldo qui écrit " (Il) ne (faut) pas craindre, dans des motifs bien établis, de conserver longtemps le même procédé " (1) a ici, malheureusement poussé son système un peu trop loin.

1- Promenade

 

Les titres ne figurent pas dans l'édition, on les trouve dans le manuscrit envoyé par Reynaldo à Charles Malherbe et conservé, aujourd'hui, par la Bibliothèque Nationale.
Un thème simple à la rythmique figée se présente dans ses carrures de quatre mesures sur un accompagnement à la rythmique uniforme. L'absence presque total de modulations et la simplicité - voire le simplisme - de l'harmonie caractériseront presque toutes les autres pièces du recueil.

   

2- Babillage et soleil


Seule chose à remarquer dans cette pièce : la cadence " très à volonté " sur laquelle elle s'achève, décrivant le soleil couchant comme le précise le texte. La virtuosité de cette cadence est toute apparente car elle est entièrement construite sur deux accords (septième de dominante en do puis septième diminuée en ré) présentés sous forme d'arpèges puis d'accords balayant naïvement le clavier.  

3- Lune


 

L'introduction de cette pièce " très contemplative " est intéressante, elle oppose, dans une succession d'accords des tessitures et des tons différents
 
 

4- Angélus


Ce court morceau fait alterner deux motifs: a décrit la cloche de l'angélus et b motif de choral, la " prière qui passe et chante dans le ciel ".  

5- Tristesse nocturne, l'oiseau de nuit


La plainte de l'oiseau nocturne (tierce mineure descendante) est soutenue par des accords " très sombres " opposant des tonalités éloignées.  

6- Petit ruisseau murmurant


La partie mélodique est confiée à la main gauche tandis que la main droite, d'un bout à l'autre de ces quarante-quatre mesures, décrit le frémissement de l'eau par un mouvement de tremolos.  

7- Ver luisant


Douze mesures présentant dans le registre  suraigu du piano trois éléments rythmiques sur pédale de tonique.
  

8- Le lys


C'est la pièce la plus originale du recueil: les harmonies y sont plus recherchées et la forme moins statique. Reynaldo, conscient de l'intérêt mélodique de ce petit morceau, réutilisera sa création pianistique, presque sans modification, dans le duo de Mahénu et Loti au premier acte de l'idylle polynésienne " L'Île du Rêve " (il commencera d'ailleurs la composition de ce premier acte de l'Île du Rêve en Juillet 1891, il est toujours à Münster et vient d'achever  "Au clair de lune ") (2)
Cette petite forme ABA offre des harmonies sensuelles et expressives (présence de nombreux retards et appoggiatures, prédominance de la sixte mineure, modulations par enchaînement de septièmes de dominante).

  

9- Les orties


La formule rythmique immuable sur laquelle est basée cette pièce provoque un effet de monotonie que quelques modulations n'arrivent pas à atténuer.  

10- Le vent


Dans la tradition de la musique descriptive les rafales sont suggérées par de grands arpèges montant et descendant à la main gauche; l'impression est renforcée par les soufflets (crescendo-decrescendo) associés à cette figure d'accompagnement.
La main droite fait entendre de grandiloquents accords plaqués dans une harmonie peu mouvante.
Le caractère simpliste de la coda entièrement basée sur l'accord de tonique balayant d'un flot d'arpèges toute l'étendue du clavier rappelle la deuxième pièce et sa cadence " coucher de soleil " !  

11- Retour


Pour cet épilogue on retrouve le ton et l'atmosphère gracieuse et simple de la première pièce.

 

 

L'œuvre dans la presse :

 

L'Echo de Paris (30 novembre 1892)

 


Le Figaro (21 décembre 1892)

 

 

La Liberté (26 décembre 1892)

 

 

La Libre Parole (29 décembre 1892)

 

 

Le Monde Illustré (31 décembre 1892)

 

 


Le Ménestrel (1er janvier 1893)

 

 

Le Ménestrel (10 mars 1894)

 

 

Le Gaulois (21 avril 1894)

 

 

Le Temps (22 avril 1894)

 

 


(1) Reynaldo Hahn: op. cit. p.112
(2) Reynaldo Hahn: L'Île du Rêve -Paris, Heugel, 1898 partition piano et chant p.42 à 45 et p.48

 

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