Ce second volume est édité chez Heugel & Cie, sous la côte 27 627, le 4 mars 1922 à Paris, soit près de 24 ans après le premier.

Voici les vingt mélodies qui constituent le recueil :

I Quand la nuit n´est pas étoilée 
                       
             
         
II Cantique sur le bonheur des justes et le malheur des réprouvés     
         
                       
             
         
III

La Délaissée

         
                       
 

 

         
         
IV

La Chère blessure      

       
                       
 

 

         
         
V

Théone 

         
                       
 

 

         
         
VI

 Le Souvenir d´avoir chanté    

         
                       
 

 

         
         
VII

Quand je fus pris au Pavillon

 
     
 

 

         
         
VIII

Chanson au bord de la fontaine    

         
                       
 

 

         
         
IX

 Sur l'eau   

   
                       
 

 

         
         
X

Fumée (Compagne de l´éther)        

         
                       
 

   

         
         
XI

Le Printemps

 
                       
 

    

         
         
XII Dans la nuit (Quand je viendrai m'asseoir)
       
                       
             
         
XIII Les Fontaines   
       
           
         
                         
XIV À Chloris
 
               
             
         
XV Le rossignol des lilas   
         
             
         
XVI À nos morts ignorés
         
                       
             
         
XVII

Ma Jeunesse       

         
                         
             
         
XVIII

Le plus beau présent  

   
                       
             
         
XIX

Puisque j'ai mis ma lèvre   

     
                       
             
         
XX

La douce paix   

         
                       

1. Présentation matérielle

  Ce recueil, dans sa dernière version disponible actuellement, reprend exactement la présentation du premier : broché, de format 18,7 x 27,3, il se compose de quatre pages de garde et de 86 pages numérotées. Pourtant il a été ajouté, en dessous du nom de l'éditeur, la référence précise HE 27 267 réf : BF.

a)  La troisième page de garde

La deuxième page de garde étant blanche, c'est à la troisième page que se trouve la table.
Elle se présente de façon très simple et a perdu la vignette qui entourait celle du premier volume.
Tout à la fin du volume, est présentée la table du premier volume.
Il n'y a pas de dédicataire à la différence du premier volume.

2. Diffusion

Ce second volume est édité à un nombre très moyen d'exemplaires. Voici le classement d'exemplaires imprimés pour chaque mélodie (1922 /1989) :

 

Second volume Rang

1 Quand la nuit n´est pas étoilée   

14e

2 Cantique sur le bonheur des justes et le malheur des réprouvés           

1er

3 La Délaissée

11e

4 La Chère blessure  

6e

5 Théone        

18e

6 Le Souvenir d´avoir chanté

2e

7 Quand je fus pris au Pavillon

3e

8 Chanson au bord de la fontaine

19e

9 Sur l'eau     

13e

10 Fumée (Compagne de l´éther)

20e

11 Le Printemps

4e

12 Dans la nuit (Quand je viendrai m'asseoir)

10e

13 Les Fontaines       

9e

14 À Chloris  

7e

15 Le rossignol des lilas        

5e

16 À nos morts ignorés

12e

17 Ma Jeunesse         

17e

18 Le plus beau présent        

15e ex æquo

19 Puisque j'ai mis ma lèvre

15e ex æquo

20 La douce paix       

8e

Parmi les vingt mélodies qu'il regroupe remarquons ces particularités : Quatorze de ces vingt mélodies sont originales. Six font déjà partie d'autres ouvrages précédemment édités. Ce sont :

-           Les trois mélodies : n°6, Le Souvenir d'avoir chanté, n° 7, Quand je fus pris au Pavillon, et n° 11, Le Printemps, qui appartiennent au cycle des Rondels, imprimé en 1899 ;

-           Les deux mélodies : n°10, Fumée, et n° 12, Dans la nuit, incluses dans les Feuilles blessées datant de 1904 ; Signalons tout de suite que Fumée porte en vérité le titre Compagne de l'éther dans les Feuilles blessées.

-           La mélodie n°8, Chanson au bord de la fontaine est extraite du mélodrame Méduse et édité en novembre 1911.

-           Enfin la mélodie n°19 Puisque j'ai mis ma lèvre est rattachée, curieusement, au recueil intitulé Le Ruban dénoué (édité en 1917), album qui réunit douze pièces écrites exclusivement pour deux pianos. La dernière pièce (Le seul amour, n° 12 de l'album) présente, parmi les différents thèmes qui la parcourent, celui qui construit cette mélodie. On peut comprendre alors pourquoi cette mélodie se trouve adjointe en fin de ce recueil : elle y est préparée musicalement. Elle semble aussi avoir été chantée, comme il se doit, lors de la création du recueil écrit pour deux pianos au Théâtre du Vieux-Colombier[1].

Chacune des mélodies est éditée aussi en séparé ; pour certaines il existe deux, voire trois versions dans des tonalités différentes. Leur édition s'étale entre mars 1896 et mars 1921.

Aucune explication ne permet de comprendre le grand tirage dont a bénéficié la mélodie Cantique sur le bonheur des justes et le malheur des réprouvés. Nous savons qu'elle est offerte avec le n°16 du 19 avril 1896 du Journal Le Ménestrel. Ce pourrait être notre seule explication valable : le tirage inclurait celui du journal lui-même. Mais comment comprendre alors, pour les six autres mélodies de ce même volume offertes elles aussi avec Le Ménestrel, le peu d'importance de leur tirage. Peut-être aussi, du fait qu'elle soit écrite pour soprano solo ou chœur de femmes comme cela est précisé sur la partition, a-t-elle été envoyée, commandée, achetée. par des écoles de jeunes filles ? supposition purement gratuite.

Cette partition imprimée en séparé a fait l'objet d'un soin particulier : son format est légèrement plus grand (28 x 36,5) qu'une mélodie ordinaire (27 x 35,5) ; son papier est à gros-grain (120 grammes), de couleur ivoire imitant un peu le parchemin. Les lettrines des majuscules (Cantique, Reynaldo et Hahn) sont en très grandes tailles, bicolores (rouge et noir) rappelant celles de manuscrits du XVIe. Cette présentation est signée P. Borie.

Les six autres mélodies proposées dans Le Journal Le Ménestrel sont :

-           Quand je fus pris au Pavillon dans le n°44 du 29 octobre 1899 :


­           La Délaissée dans le n°20 du 20 mai 1900 :


-           Quand la nuit n'est pas étoilée dans le n°16 du 21 avril 1901 :


-           La Chère blessure dans le n°24 du 16 juin 1901 :


-           La douce paix dans le n° 8 du 25 février 1921 :


-           À nos morts ignorés dans le n°28 du 15 juillet 1921 :

Ce second volume réédite six mélodies qui ont eu un grand succès si l'on se reporte à leur tirage :

Les trois mélodies extraites des Rondels (1899) sont celles qui sont aux trois premiers rangs quant au tirage comparé : Le Souvenir d'avoir chanté, Quand je fus pris au Pavillon et Le Printemps.

Les deux mélodies du recueil des Feuilles blessées (Quand je viendrai m´asseoir et Compagne de l´éther, rééditées dans ce second volume avec les titres, respectivement : Dans la nuit et Fumée) occupaient les deux premiers rangs en quantité d'exemplaires imprimés.  

Nous pouvons y voir, de la part de la maison Heugel et de Reynaldo Hahn, sans porter aucun jugement, l'assurance d'une belle réussite dans le domaine de la vente, et une garantie publicitaire. La reconnaissance déjà avérée de ces cinq mélodies accréditait l'ensemble des autres mélodies et pouvait laisser espérer une vente plus large. D'ailleurs, reconnaissons que la qualité musicale de certaines de ces mélodies nouvellement proposées justifie amplement la parution de ce nouvel album.

 
Pourtant, ce recueil n'est imprimé qu'à un nombre moyen d'exemplaires, ce qui n'est pas grand-chose en comparaison avec le premier volume par exemple qui a profité d'un énorme tirage.
     
On peut proposer plusieurs hypothèses quant à cette diffusion restreinte. D'une part, ce volume est édité en mars 1922 : l'après-guerre, nous le savons, a bousculé beaucoup de choses, et l'effet « mélodie » a peut-être perdu de sa vivacité, à l'instar de ces fameux salons parisiens qui faisaient régulièrement la chronique des journaux[2]. D'autre part, le style « Reynaldo Hahn » pouvait paraître d'un autre temps : la nouvelle génération de compositeurs, comme Francis Poulenc ou Darius Milhaud, le mouvement Dada, les poètes Jean Cocteau avec son manifeste le Coq et l'Arlequin (1918) ou Paul Claudel, ont assurément, avec beaucoup de bruit et de faconde, estompé sinon étouffé cette esthétique d'avant-guerre.  
 
De même, au-delà du changement esthétique, l'avènement des postes T.S.F. et des gramophones, et du microsillon, a sûrement émoussé les exécutions musicales faites autrefois en famille ; le public, anciennement actif interprète, a cédé pour une position d'auditeur passif : la vente des partitions s'en est certainement trouvée affectée.
 
Enfin, Reynaldo Hahn, après 1918, s'est lui-même écarté de la composition dans ce genre si particulier pour s'investir dans des œuvres orchestrales ou lyriques plus imposantes (cf. Introduction). Seules sont imprimées les cinq mélodies anglaises, Five little songs, en 1915 et les quatorze nouvelles de ce second volume, quoique, faisons-le remarquer, leurs dates de composition s'étalant entre 1896 et 1916). Cela fait au total dix-neuf mélodies sur les cent deux retenues.

Ce déplacement d'intérêt venant directement du compositeur a certainement dû infléchir une certaine orientation musicale auprès du public. On peut même penser que l'inverse est de mise. Quoi qu'il en soit, ce furent les dernières grandes mélodies imprimées du vivant de Reynaldo Hahn.

3- Présentation des dédicataires

Dix de ces mélodies sont dédicacées à des personnalités proches de l'entourage du compositeur.Voici les titres des mélodies avec leur dédicace exacte :

Quand la nuit n´est pas étoilée  à Madame Colonne
Cantique  à Monsieur Anatole France
La Délaissée à Madame Krauss
Le Souvenir d´avoir chanté à Madame Madeleine Lemaire
Quand je fus pris au Pavillon à Fugère
Sur l'eau à Mademoiselle Suzanne Duglé
Le Printemps à Edmond Clément
Quand je viendrai m'asseoir  à Madame M. de Lisboa
Les Fontaines à Madame Durand-Texte
À nos morts ignorés

à Monsieur le Général Valdant, Commandant de la 10è division d'Infanterie

 

Mesdames Eugénie Colonne (professeur de chant, épouse du célèbre chef d'orchestre Édouard Colonne), Gabrielle Krauss (grande artiste lyrique qui a un « salon »), Madeleine Lemaire (artiste peintre au salon tout aussi réputé), Suzanne Duglé (fille de la non moins célèbre Angèle Duglé, professeur de chant qui tient salon), comme Anatole France (écrivain) participent activement à la vie mondaine et musicale où est invité Reynaldo Hahn. Madame Durand-Texte est une connaissance dont la fille, Henriette, se présente au concours de piano au Conservatoire[3]. Lucien Fugère et Edmond Clément, amis de longue date avec le compositeur, sont artistes lyriques professionnels. (cf. Chapitre 3, Les Rondels, 3. 2. 3).
Le Général Valdant est le supérieur militaire de Reynaldo Hahn alors sur le front en 1915, en Argonne.
Madame M. de Lisboa n'est pas identifiée à la vue de mes recherches.

4. Présentation poétique et musicale

Nous ne pouvons que répéter les observations qui concernent aussi le premier volume : absence véritable d'un quelconque agencement purement musical. Seul un semblant de classement chronologique pourrait donner cohérence.

Voici les dates d'édition qui sont précisées lors de la réédition du recueil en 1983 en bas de chacune des mélodies :

1         Quand la nuit n´est pas étoilée  1900
2          Cantique sur le bonheur [.] 1896
3          La Délaissée 1898
4          La Chère blessure 1900
5          Théone 1897
6         Le Souvenir d´avoir chanté  1898
7        Quand je fus pris au Pavillon 1899
8        Chanson au bord de la fontaine 1912
9        Sur l´eau n. ind.
10 Fumée (Compagne de l´éther) n. ind.
11     Le Printemps  1899
12 Dans la nuit (Quand je viendrai.) n. ind.
13 Les Fontaines  1910
14 À Chloris 1916
15 Le rossignol des lilas  1913
16 À nos morts ignorés 1918
17 Ma Jeunesse 1918
18 Le plus beau présent 1917
19 Puisque j'ai mis ma lèvre 1917
20 La douce paix 1921

 

Nous sommes dans la possibilité de préciser les dates d'édition en séparé[4] pour les trois dates non indiquées dans le recueil : cela ne fait que renforcer notre idée de classement chronologique. Voici ces dates :

- Sur l'eau : le 22 octobre 1902 ;
- Fumée (Compagne de l'éther) : le 07 janvier 1907 ;
- Dans la nuit (Quand je viendrai.) : le 07 janvier 1907 ;

                       
Hormis Victor Hugo (1803 /1885), la plupart des poètes représentés dans ce volume appartiennent à l'esthétique littéraire de la fin du siècle XXè comme Sully Prudhomme (1839 /1907) et Théodore de Banville (1823 /1891) proches du Parnasse contemporain ; ceux de la mouvance symboliste comme Augustine Blanchecotte (1830 /1895), Henri de Régnier (1834 /1936), Catulle Mendès (1841 /1909), Léopold Dauphin (1847 /1874), Jean Moréas (1856 /1910), Hélène Vacaresco (1866 /1947), Maurice Magre (1877 /1941) et même Guillot de Saix (1885 /1964). Louis Hennevé est un célèbre parolier des années vingt. Seuls se démarquent Théophile de Viau (1599 /1626), Charles d'Orléans (1394 /1465) et Jean Racine (1639 /1699) qui font partie de cet engouement auprès du public pour une littérature (et une musique) « ancienne » que l'on retrouve mise en musique par d'autres compositeurs[5] ;

Le recueil est écrit pour voix moyenne. L'ambitus s'étend du la 1 (Quand la nuit n'est pas étoilée) au la 3 (Les Fontaines, Le plus beau présent et Le Printemps).

 

Sylvain Paul Labartette

Un article, paru dans Le Figaro du 7 décembre 1919, éclaire sur la genèse de la mélodie "La douce paix" :

 

 

 

partition disponible à la vente chez Leduc : HE 27627

 


 


 

[1] Le 30 décembre 1917 : cf. Daniel BENDAHAN, Reynaldo Hahn, su vida y su obra, p. 65.

[2] Comme le souligne aussi Anne MARTIN-FUGIER dans Les salons sous la IIIe République, Paris, Perrin, 2003.

[3] Cf. Lettre adressée à É. Risler, détenue par la famille Risler - non éditée, où il lui recommande  d'être bienveillant pour mademoiselle Henriette Durand, fille de Durand-Texte .

[4] Dates inscrites sur les partitions originales détenues par Heugel.

[5] On pense à Gabriel Fauré (Cantique de Jean Racine), à Claude DEBUSSY (Trois chansons de Charles d'Orléans) par exemple. N'oublions pas les Rondels de notre compositeur.

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