Marcel Proust
Lettres à Reynaldo Hahn

I-190

Samedi soir [Hôtel des] Roches Noires [22 septembre 1894] 1

Mon cher ami,

Je suis un peu triste ce soir veille du départ de Maman et j'en profite comme d'un prétexte à me consoler auprès de vous en vous évoquant cinq minutes. J'espère que mes dernières propositions seront agré[é]es par vous. Certainement vous ne serez pas aussi bien ici que si j'avais une villa mais enfin la chambre que je vous donnerai est au premier sur la mer et à côté de la mienne. Et Madame Straus est presque ce que je puis offrir de mieux. Je suis à une grande chose que je crois assez bien 2 et j'en profiterai pour supprimer de mon volume la nouvelle sur Lepré 3, l'opéra etc. que vous faites copier.

Je vous aime, bien cher ami.

Marcel Proust.

Ne méprisez pas ma réception trop peu somptueuse, à l'hôtel, et si vous ne venez pas, que cela ne soit pas la crainte d'une trop maigre hospitalité qui vous retienne. - Et pour ne pas trop énerver mon attente ne laissez pas traîner huit jours dans votre poche la lettre que vous aurez la bonté de m'écrire. J'ai reçu des lettres de vous qui au lieu de douze heures, ont mis quatre jours.


1- Hahn 25-26 (n° IV). Cette lettre porte la date du samedi soir, et non du jeudi, comme je l'ai indiqué par erreur dans le volume consacré aux Lettres à Reynaldo Hahn. Le texte nous en donne la confirmation, car Proust écrit "ce soir veille du départ de maman" ; dans la lettre du lundi matin [24 septembre 1894], il annonce : " Maman est partie hier."

2. " La Mort de Baldassare Silvande, vicomte de Sylvanie ", nouvelle que Proust place en tête de son volume Les Plaisirs et les jours. La date indiquée à la fin de cette nouvelle, octobre 1894, est évidemment celle où il l'acheva. Cf. ci-dessous, les lettres 268 et 275.

3. Je ne trouve aucune trace de cette nouvelle supprimée dans 1e manuscrit des Plaisirs et les jours. Elle parut ultérieurement en revue sous le titre : L'Indifférent.