Marcel Proust
Lettres à Reynaldo Hahn

I - 213

[Le mercredi 19 décembre 1894 ?]1

Vous êtes un ange et j'aurais bien envie d'aller vous dire bonsoir si vous ne me l'aviez défendu. Un peu inquiet pourtant de n'avoir pu lire votre lettre. Mais non, je ne sais pourquoi je dis cela car je ne le suis pas du tout. Je serai à 10 heures précises chez mon concierge. Mais d'autre part si vous voulez que j'aille à Andromaque je l'aimerais bien aussi 2.

Pour demain soir le mieux serait peut-être que j'aille vous attendre à deux portes de Madame Hochon. En fiacre je n'aurais pas froid. Vous auriez quelques moments de plus à rester - et surtout la route à faire avec vous serait plus longue. M. Meyer n'a pas trouvé mon étude trop longue pour " l'en-tête " 3. Mais il ne l'a pas encore lue.

      Votre poney.      MARCEL.


1. Coll. H. Bradley Martin. Hahn 40-41 (n° XXIV), L'allusion à une "étude" soumise au directeur du Gaulois, ne semble convenir qu'à un seul des articles de Proust parus dans ce journal : Un Dimanche au Conservatoire, paru en tête, sur deux colonnes, du numéro du lundi 20 décembre 1894 (voir la note 2 ci­après). Il est possible, cependant, que l'étude dont il s'agit ait été refusée : dans ce cas-là, la représentation d'Andromaque, ainsi que la date de cette lettre pourrait être celle du mercredi 11 décembre 1895.

2. Entre le 11 décembre 1894 et le 14 janvier 1895, on n'a donné à Paris que deux représentations d'Andromaque, au Théâtre-Français, les jeudi 13 et 20 décembre 1894. En décembre de l'année suivante, au même théâtre, on en donna plusieurs représentations à partir du mercredi 11.

3. Arthur Meyer (1844-1924), directeur du Gaulois depuis 1882. Cf. ci-dessous, p. 388 et la note 4.