Marcel
Proust
Lettres à Reynaldo Hahn
Mon petit, Madame Lemaire est cause de tout. Elle n'a pas voulu me laisser partir chez Madame E. Stern sans m'y conduire elle-même (avec Mlle Suzette) de sorte qu'à onze heures quand j'ai voulu partir elle m'a demandé à attendre quelques instants. Je l'ai fait parce que surtout j'espérais encore vaguement que tu arriverais chez les Daudet 2. M'avait-on trompé d'heure en me disant onze heures ou depuis s'était-il écoulé plus de temps que je ne croyais, j'ai senti en arrivant avenue Montaigne et voyant des gens sortir du bal et aucun arriver qu'il devait être très tard 3. Je ne pouvais pas ne pas entrer, car je ne Ton enfant. MARCEL. Peux-tu me donner le Gaulois de ce matin où je voudrais voir si le bal Brancovan est annoncé 9 ? Je te le rendrai tantôt. 1. Hahn 37-38 (n° XX). Lettre que je date d'après les allusions au dîner chez les Daudet, au bal chez Mme Stern, à l'annonce dans Le Gaulois des bals Brancovan, et aux conditions météorologiques (voir les notes suivantes). 2. Cf. Goncourt, Journal, t. XXI, p. 42 : Jeudi 25 avril [1895] " Grand dîner chez les Daudet. 3. Il s'agit d'un " cotillon rose " chez Mme Edgar Stern, née Fould, au 20 de l'avenue Montaigne (cf. Le Gaulois du 26 et Le Figaro du 28 avril 1895). Le nom de Marcel Proust figure parmi ceux des invités notés dans le compte rendu du Gaulois. 4. Il s'agit de la marquise de Casa-Fuerte, demeurant rue Cambon. Cf. ci-dessus, p. 355. 5. Proust se rappellera peut-être cet incident quand il décrira les émotions de Swann un soir où il arrive chez les Verdurin après le départ d'Odette (I, 226-231). 6. Mme Gaston Legrand, née "Cloton" de Fournès, demeurait 8. Le Figaro du vendredi 26 avril 1895 note une baisse barométrique sensible, et des pluies à peu près générales en France, accompagnées d'orages, annonçant que le régime pluvieux et orageux va continuer. 9. Le Gaulois du 29 et Le Figaro du 30 avril 1895 annoncent des soirées dansantes chez la princesse Bassaraba de Brancovan, le mardi 7 et le lundi 30 mai.