Marcel
Proust
Lettres à Reynaldo Hahn
[Le mercredi 21 juin 1905] 1
Vous
avez dit de mettre en marge observations. Je l'ai fait - Voilà 2 -
La vieilch
Pourtalès 3 vient goûter Samedi avec ses deux filles 4 (!!) et Primoli
5 (!!!)
Je suis arrivé par le dernier train hier soir, je comptais vous voir chez la Veuve. Puis je voulais passer chez vous mais la pièce de Laroze 6 a fini à minuit 1/2 et je voulais reprendre le train.
1. Coll. particulière. Billet inscrit en marge de la première feuille d'un jeu d'épreuves de Sur la lecture, p. 379, de la Renaissance latine du 15 juin 1905. Reynaldo Hahn a dû remettre à Proust les épreuves corrigées après la publication en revue (voir la note 2 ci-après). L'allusion à " la pièce de Laroze " que Hahn a vue " hier soir " chez " la Veuve " nous permet de situer cette lettre au lendemain de la soirée du jeudi 22 juin 1905 chez Mme Lemaire (note 6). Ce billet date donc du mercredi 21 juin 1905.
2. Parmi les observations notées en marge des feuilles d'épreuves numérotées de l'article de Proust, Reynaldo Hahn indique une phrase qu'il trouve " regrettable ". Il s'agit d'une phrase qui paraît à la page 396 de la revue, et qui commence : " Ce n'est pas qu'une fois... " Or Proust a modifié cette phrase après la publication en revue. Ce que Reynaldo y trouve de " regrettable " est la proximité du verbe avait et de l'infinitif avoir, mots qu'il a soulignés. Dans la Renaissance latine, on lit en effet : " pareils à ce gentilhomme qui, partageant depuis son enfance la vie des voleurs de grand chemin, avait, pour avoir depuis trop longtemps cessé de le porter, oublié jusqu'à son nom [...] " Dans la préface de Sésame et les lys, on lit, à la page 36 : " pareils à ce gentilhomme qui, partageant depuis son enfance la vie des voleurs de grand chemin, ne se souvenait plus de son nom, pour avoir depuis trop longtemps cessé de le porter "...] " (PM 252.) Proust ne semble pas avoir tenu compte des autres critiques de Reynaldo. Ainsi ce dernier fait remarquer " phrase de 55 lignes, trop long, moschant " à propos de la phrase qui finit à la page 384 de la revue (celle qui commence " Ces hautes courtines blanches... " Sésame, pp. 15-17 ; PM 231-233), tout en admirant la fin de la même phrase : " ravissante petite chute d'une finesse musicale et d'une grâce chorégraphique". A propos de la phrase à la page 387 de la revue qui commence : " Dans cette charmille... " (Sésame, p. 21 ; PM 237), il observe : " les cris qui cherchent est nouveau et vrai, ingénieux, c'est un trait inconscient et frappant du génie de la prose. "
3. Il s'agit de la comtesse Edmond de Pourtalès, née Mélanie de Bussière (1832 ?-1914). II en a déjà été question au cours de cette Correspondance.
4. Mme de Pourtalès avait deux filles : la baronne de Berckheim, née Elisabeth de Pourtalès, et la marquise de Loys-Chandieu, née Agnès de Pourtalès, décédée en 1930. Les maris de ces deux dames étaient membres du Jockey-Club.
5. Le comte Joseph Primoli (1851-1927), arrière petit-fils de Lucien Bonaparte, et neveu de la princesse Mathilde.
6. Allusion à la soirée musicale donnée chez Mme Madeleine Lemaire le jeudi 22 juin 1905. On y avait donné une comédie en un acte de Lionel Laroze, né en 1854, intitulée le Respect de l'Amour. (Le Gil Blas, 23 juin 1905, p. 2.)