Marcel Proust
Lettres à Reynaldo Hahn
[Versailles,
vers le 15 ou le 16 décembre 1906] 1
Mon
cher Bunchnibuls
J'ai
lu qu'il y a à l'hôtel Drouot une vente d'aquarelles de Madame Lemaire 2. Si
d'aventure vous passiez par là ou pouviez y envoyer Léon et s'il y avait par
hasard une jolie aquarelle vendue au maximum cent cinquante francs je serais
heureux de l'avoir pour en faire kasdeau à Louisa.
Je
vous dis cela à tout hasard.
Ne
venez pas Bersaglia 3 par un temps pareil mon pauvre genstil. Je ne sais ce
que c'est que cette " matinée " dont vous me parlez 4. Et surtout ne comprends
rien au revirement américain qui m'inquiète et me ravit 5.
Bonsjours.
Désirez-vous
seulement que Sargent ne soit pas perdu ou désirez[-vous] l'avoir maintenant 6. A cause de la manie de
Félicie de mettre les lettres, l'une dans un livre, l'autre dans un journal,
l'autre sous un tapis, l'autre derrière la pendule etc. cela peut être assez
long à trouver à moins que vous ne soyiez pressé dans quel cas ce sera fait
très vite.
2.
Le Gaulois du 6 décembre 1906, p. 4, avait annoncé : " Aquarelles par Madeleine
Lemaire / Tableaux, aquarelles et dessins, par Dail [sic], Chinireuil [sic],
Detaille, Henner, etc. "Vente, hôt Drouot, sl° 10, le 12 déc. 1906, à 3 h. Expos.
publi. : mardi 11 décembre, de 2 h à 6 h [...] " Proust
aurait-il oublié que cette vente avait déjà eu lieu, ou aurait-il entendu dire
qu'il y aurait une autre vente à l'hôtel Drouot le 28 du même mois? Cf. Le Figaro,
23 décembre 1906, p. 6, Expositions et ventes.
4.
Nous ignorons de quelle matinée il est question ici. Peut-êt s'agit-il de la
cinquantième représentation de Pelléas et Mélisande de Maeterlinck, avec la
musique de Claude Debussy, laquelle devait avoir lieu à l'Opéra-Comique, avec
les artistes qui avaient figuré à la première, y compris Mary Garden, le 23
décembre 1906. Le Gaulois, 22 décembre 1906, p. 3; Ann. Théâtre, 32, p. 122.
5.
Cf. la lettre précédente du même au même, que Proust commente : " Bouleversé
d'apprendre que vous ne partez pas Amérique --. "
6.
Il s'agit d'une lettre du peintre américain Sargent, celle dont est déjà question
dans la lettre précédente du même au même ci-dessus.