Marcel Proust
Lettres à Reynaldo Hahn

VII-23

[Le jeudi soir 31 janvier? 1907] 1

  

Est-ce que vous êtes 2 encore phasché, mon Bunchtbuls? Pauvre Buncht pas croyez que j'ai[e] de moi une idée extraordinaire sous mon " apparente modestie ". Hélas, Niduls, je voudrais bien, mais j'ai certainement de moi une moins grande idée qu'Antoine ne peut avoir de lui-même ou Jean Blanc 3. Je serais peut'être un peu moins malheureux sans cela. Du reste tout le monde est phasché contre moi ce soir. Cardane a dit à Ulrich 4 : " S'il croit que quelqu'un lira son article en dehors de lui et des quelques personnes qui le connaissent 5 ! " C'est du reste Bérité 6. Hasdieu, binuls, ne soyez pas tellement phasché contre B. qui ne sait plus comment doit être avec vous devant hauterch, car s'il est très b. vous trouvez que trop et que moschant pour les autres, et s'il dit que et que vous trousvez que et que. Et que et que. Je voudrais pour vous desrider et desfascher vous écrire mille genstillesses, mais j'ai une crise qui commence et dans la promesse des heures cruelles fait déjà taire mille maux. Hasdieu et Genstil 7


1. Hahn 124-125 (n° LXXIX). Sur papier de deuil. Cette lettre semble avoir été écrite dans la nuit du jeudi 31 janvier à vendredi 11, février 1907 : voir la note 5 ci-après.

2. Ms : vous êtes, mots ajoutés en interligne.

3. Rappelons qu'Antoine Bertholhomme est concierge, Jean Blanc valet de chambre. Voir Cor, II, 218, note 5 et passim.

4. Voir Cor, III, 269, note 7.

5. Il est question ici, semble-t-il, de l'article Sentiments filiaux d'un parricide, qui a paru dans Le Figaro du vendredi 1- février 1907. A l'égard de cet article, Proust exprime une même humilité dans sa lettre du 3 février 1907 à Robert Dreyfus ci-après.

6. " Bérité " pour Vérité, déformation voulue.