Marcel Proust
Lettres à Reynaldo Hahn
[Le mardi 14 janvier 1908]1
Mon cher MMM...nn.. Muninuls
Vous êtes vraiment bien faschant de ne pas faire donner petites nouvelles que je demande.
Fouèvre 2 ou plus? Rhume descendu ou pas? Mansgé? Dormsi? (pas manger truffes moschant, très
toxique pendant rhume) Lesvé? toujours pas sué? Pourtant bien utile pour éliminations. Genstil j'ai eu de telles crises
aujourd'hui, si fantastiques, que pas très facile vous escrire. Votre petite correspondance m'a bien amusé (votre
lettre n'est venue - hier - qu'après la même partie vous avez komspris) 3. Maintenant que nous avons compris pour Me de
Schwarzgebirge 4, " vous savez qui c'est, vous savez ce que
c'est " ne nous apparaît plus comme mondain mais muffle,
indiscret et fat. "Triple essence de gourmand " est très homme du monde, très,
R, et très R. de R. 5. " Il est encore sous sa loi " parfait. Et le plus stupide
est " Selon un usage fort ancien " de Lamartine.
Genstil escrivez ou dictez nouvelles, dites quand sortirez mais le plus tard possible car il
fait un froid atroce 6 et si vous sortez avant d'être rétabli vous prendrez
une pneumonie. Inutile. Je pense que les Conneaux 7 doivent se désoler que vous
soyez souffrant. Figarso a annoncé qu'on jouerait
et jouerait 8.
Bonjours
Ne l'exprime pas parce que souffre, mais
pense tout le temps avec désolation que vous êtes souffrant, c'est un grand
chagrin pour moi et tout le temps je cause avec Bininuls
et l'appelle Moschant.
1. Les allusions à la fièvre du destinataire
(note 2 ci-après), au " froid atroce " (note 6) semblent situer cette lettre
dans la première quinzaine de janvier 1908. L'allusion à une annonce du Figaro
nous permet de dater cette lettre du mardi 14 janvier 1908 voir la note 8.
2. Fièvre. Cf. l'allusion à la grippe
du destinataire à la fin de la lettre que Proust lui adresse le vendredi 3 janvier
1908.
3. Nous ignorons l'identité du visiteur
en question.
4. Allusion, semble-t-il, à la baronne
de Noirmont, née Martell,
rue Pierre-Charron, 66 (VIIII). T.-Paris,
1908, p. 441.
6. Cf. la note 2 de la lettre précédente
du même au même ci-dessus.
7. Il s'agit sans doute de la famille
de Mme Henri Conneau, née Juliette Pasqualini, décédée
en 1906, veuve du médecin de Napoléon III. Elle demeurait
15, rue de Milan (IX°). A la même adresse, le Tout-Paris de 1908 indique Mlle Henriette Conneau. A la même
adresse, le Tout-Paris de 1923 indique Louis-Napoléon-Eugène-Joseph Conneau, général de cavalerie.
Q. E-V 1924, p. 192. Proust avait rencontré Mme Conneau
en 1896 quand il était au Mont-Dore. Cor, II, 106, lettre 56 et sa note 7.
8. Le Figaro du mardi 14 janvier 1908,
p. 5, annonce dans le Courrier des Théâtres : "La prochaine conférence " Fémina-Je sais tout ", qui aura lieu le 17 janvier, à 3 h
1/2, annonce comme un véritable régal littéraire : Mme Jane Catulle Mendès,
l'adorable poète des Charmes, parlera de " Venise et des Auteurs modernes ".
" Cette conférence sera accompagnée d'auditions
des mélodies vénitiennes du compositeur Reynaldo Hahn, interprétées par l'auteur
[...] "