Marcel Proust
Lettres à Reynaldo Hahn

XI-89

[Le samedi 13 juillet? 1912] 1

 

Mon cher Genstil

J'ai pris froid et je tousse un peu et ai une espèce de petit rhumatisme 2. Ce n'est rien mais je n'ose pas me lever et c'est une cruelle souffrance morale pour moi de ne pas aller vous voir aujourd'hui; mais j'ai mis beaucoup de tricots pour avoir chaud et je pense être bien demain et aller chez vous[.] 3.

Votre petit

Birnuls 4 MARCEL.

 

Mon cher Genstil je voudrais bien que vous veniez demeurer chez moi 5. Je ferais arranger ma salle à manger qui est très grande, sans que vous vous en rendiez compte, en chambre à coucher pour vous. Je ferais mettre double porte au petit salon qui serait votre salon et où vous feriez musique aussi fort que vous voudriez. Vous auriez salle de bains et cabinet de toilette, Céline vous ferait la cuisine et ainsi vous n'auriez pas l'ennui d'avoir à faire des comptes, du ménage etc. Et si meson vous déplaît je déménagerai et irons où vous voudrez. Qu'en pensez-vous? 6

 


 

1. Coll. Raoul Simonson. Le papier de l'original, blanc vergé 220 x 172 mm sans filigrane, est identique à celui de la lettre à Hauser que nous datons du 1-juin 1912. Cette lettre date apparemment du moment où le destinataire part pour son service militaire (note 3 ci-après); date vraisemblablement du 13 juillet 1912: allusions au rhumatisme (note 2), au besoin du destinataire de trouver un appartement (note 5).

2. Proust fera allusion à cette tendance au rhumatisme dans sa lettre 107 à Mme Straus ci-après.

3. C'est le moment, semble-t-il, où Reynaldo Hahn se prépare à partir pour accomplir sa première période d'instruction militaire. Il fit ses vingt-huit jours, selon les renseignements fournis par Henri Borgeaud, en juillet août 1912. Il semble donc qu'il devait être à Melun le lundi 15 juillet.

4. Ms: ou Buncht ?

5. Reynaldo Hahn a dû résilier le bail de son appartement du 9, rue Alfred-de-Vigny, le 30 juin, à cause de la mort de sa mère. A en croire Mme Riefstahl, il prit temporairement l'appartement d'Emmanuel et d'Antoine Bibesco, 9, rue du Commandant-Marchand. Toutefois, au mois de janvier 1913, il est installé au 15 de la rue de Bassano. Voir Hahn 236; cf. P. Hach 1914, pp. 46 et 182.

6. Voir à ce sujet la lettre 101 ci-après.