Marcel Proust
Lettres à Reynaldo Hahn
Grand Hôtel
[Seconde quinzaine de mars 1919]1
Madame
Mon ami Marcel Proust me demande de vous dire ce que je pense de la façon dont son livre se présente typographiquement 2.
Je ne crois pas pouvoir hésiter à vous dire que les innombrables erreurs de ponctuation, le manque d'accents circonflexes et, en certains passages, les guillemets et autres signes oubliés en rendent la lecture extrêmement difficile. Je m'efforce de le corriger promptement et j'aurais déjà fini si, par malheur, je n'avais en ce moment des occupations nombreuses 3.
Très sincèrement, j'estime que ce serait grand dommage de laisser paraître dans cet état de désordre un livre de cette importance.
Respectueusement à vous
Reynaldo Hahn
1. Cette lettre doit dater de la seconde quinzaine de mars 1919 voir les notes suivantes.
2. Il s'agit sans doute d'A l'ombre des jeunes filles en fleurs. Proust parle des corrections qu'il veut obtenir pour ce volume dans sa lettre à Lacretelle que nous datons du 26 mars 1919. Il y reviendra dans sa lettre 61 à Gallimard.
3. Reynaldo Hahn avait organisé des séances musicales en faveur d'oeuvres de guerre qui eurent lieu chez Mme Alexandre Dumas, avenue de Villiers, le 13 et le 16 mars (Le Figaro, 13 et 16 mars 1919, p. 2 ; Le Gaulois, 12 et 16 mars 1919, p. 2). Il avait à s'occuper des représentations de son opéra Nausicaa, dont l'avant-première devait avoir lieu à Monte-Carlo le 10 avril. Et il devait préparer une nouvelle série de quatre conférences qu'il allait donner à l'Université des Annales à partir du 6 mai.