Marcel Proust
Lettres à Reynaldo Hahn

XX-22

Reynaldo Hahn à Marcel Proust

CASINO MUNICIPAL Cannes [Janvier 1921] 1

Mon cher Buncht,

Merci de m'avoir envoyé La Revue de Paris 2 et La Revue française 3. Je n'ai pas encore eu le temps de lire l'Agonie. Mais l'article sur le style m'a ravi ; il me semblait que je causais avec vous assis sur votre lit. Vous êtes trop faschant pour le vieilch Geuve 4 mais c'est si drôle que je vous le pardonne - d'ailleurs il est difficilement défendable sur ce point 5 !

Par exemple je vous étranglerais pour avoir dit « mes maîtres M.M. Léon Daudet et Ch. Maurras 6 ».

Je suis bien hoscupé et fastiné.

Mille tendresse de votre

Reynaldo


 

1.  Coll. U. III. Cat. de la vente du 18 avril 1991, n° 107, expert M. Thierry Bodin. Le papier de l'original porte l'en-tête : " CASINO MUNICIPAL / CANNES". Date de janvier 1921 : allusion à "l'Agonie" (note 3 ci-après).

2. Il s'agit de la Revue de Paris, numéro du 15 novembre 1920, où parait l'article de Proust : « Pour un ami : remarques sur le style ». Voir Cor XIX, lettre 329 de Lucien Daudet et sa note 2.

3. Sic. Il s'agit de la Nouvelle Revue française du ler janvier 1921, où parait « Une agonie ». Voir ci-dessus, lettre 16 de Jacques Rivière et sa note 3.

4. Sic. Le vieux Sainte-Beuve. Voir Cor IX, p. 146 où Proust écrit "Je crains que mon roman sur le vieilch Sainte-Veuve Ne soit pas, entre nous, très goûté chez la Beuve."

5. Proust écrit, dans la préface pour Tendres Stocks, de Morand » Pauvre Baudelaire ! mendiant un article à Sainte-Beuve (avec tendresse, quelle déférence !) il finit par obtenir des éloges tels que ceux-ci : "Ce qui est certain, c'est que M. Baudelaire gagne à être vu.[...]". » Voir Textes retrouvés, 1971, p. 316.

6. » Je suis sûr que dans leur admiration très justifiée pour le duc d'Orléans, mes maîtres MM. Léon Daudet et Charles Maurras, et leur délicieux émule Jacques Bainville, n'iraient pas jusqu'à lui demander des consultations médicales à distance. » Op. cit., p. 320.