Avant-propos
J'étais d'une jeunesse inavouable quand j'ai commencé le journal dont on présente ici des fragments. Cela explique - et fera pardonner, je l'espère, certaines naïvetés et même quelques velléités d'outrecuidance qu'on ne manquera pas de constater, surtout dans le premier tiers du volume.
Ce journal a été très souvent interrompu et parfois pendant longtemps. Aussi, bien des choses qui méritaient d'être notées n'y sont-elles pas consignées. On ne saurait donc prétendre, en lisant ces pages, se faire une idée, même approximative, de celui qui les griffonna.
On remarquera qu'il n'est pas beaucoup question de musique dans ce Journal d'un musicien (que j'aurais d'ailleurs appelé Journal d'un artiste si Delacroix ne se fût emparé de ce titre excellent et ne l'eût rendu fameux. En effet, j'ai banni de ce recueil de très nombreux passages traitant de l'art que j'ai pratiqué sans répit depuis mon enfance. C'est que " rien n'est plus difficile, comme l'a déclaré Saint-Saëns, que de parler musique ", et j'ai craint qu'une grande partie de mes impressions ou de mes opinions musicales, rapidement notées, souvent rédigées d'une façon elliptique, ne fussent mal comprises et ne donnassent lieu à des malentendus. En outre, la musique étant mon métier, je me suis toujours cru le droit d'en parler ouvertement en toute occasion et en tout lieu, tandis que je me sentais tenu à infiniment plus de réserve et de prudence quand mes observations portaient sur d'autres sujets, sur la littérature, sur la peinture ou simplement sur mes semblables et pensais que si je désirais alors m'épancher, ce ne pouvait être qu'en moi-même.
Je me suis également efforcé, en choisissant ces pages, d'écarter presque toutes celles qui étaient marquées d'un caractère trop intime et surtout celles, très nombreuses pourtant, qui relataient mes soucis de compositeur, les efforts, les doutes, les déceptions éprouvés au cours de mon travail. J'ai toujours trouvé qu'il y avait quelque chose d'un peu humiliant à prendre le public pour confident de ces tourments et à lui demander d'y compatir. Et puis, même dans un journal, il ne faut pas trop parler de soi.
Au moment de publier ces extraits, je me demande comment j'ai pu m'y résoudre. En les relisant imprimés, je ressens une grande confusion : malgré le tri soigneux que je me suis imposé, j'y vois encore bien des choses inutiles et médiocres. Mais il est trop tard maintenant pour reculer. Je n'ai plus d'autre ressource que de compter sur l'indulgence de mes lecteurs. Ils voudront bien m'en accorder, je pense, en se souvenant que,je ne suis qu'un écrivain d'occasion, qu'étant entré au Conservatoire à dix ans je n'ai pas eu le temps de faire " des études " et que le français n'est même pas ma langue maternelle.
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