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| XI CHAPITRE ONZIEME LIBATIONS ET NÉNIES Amissas flemus amicitias. J'ai répondu à MONSIEUR PAUL ACKER : Cher Monsieur, L'émotion que vous cause la mort de mon admirable ami, 
        correspond aux sentiments que vous lui inspiriez. Comment ne vous aurait-il 
        pas apprécié ? - Seuls, comptaient pour lui, ceux qui me rendaient un 
        peu de justice ; et vous vous êtes montré de ceux-là, avec continuité, 
        avec courtoisie, avec esprit et avec cœur. Le souvenir de ce qu'un tel procédé a donné de joie 
        à Celui qui n'est plus m'attache, croyez-le bien, à vos intérêts et à 
        votre personne; et j'aime à vous le redire ici, cher Monsieur, en même 
        temps que mes remerciements, pour votre visitation compatissante et précieuse. à MONSIEUR ARSENE ALEXANDRE Cher Monsieur, Le sens du noble malheur est bien celui que vous dites 
        : éprouver nos vraies forces, nous faire verser nos meilleures larmes, 
        et faire rendre à notre cœur spiritualisé, ensemble victorieux et vaincu, 
        ses plaintes les plus harmonieuses. Merci pour votre commisération bien inspirée. Mon admirable compagnon qui avait au plus haut degré 
        le sens du vrai des natures, vous appréciait sincèrement et s'était réjoui 
        de la cessation, entre nous, d'un malentendu initial. Cette pensée, ajoutera, désormais, encore, à mes personnels 
        sentiments qui, vous le savez, cher Monsieur, sont affectueux et loyaux. à MADAME D'ANNUNZIO : Chère Madame, L'an dernier, à pareille époque, vos douceurs m'étaient 
        parvenues avec celle, douce, entre toutes, de vous être souvenue qu'elles 
        pouvaient nuire à mon pauvre ami. A présent, rien ne saurait plus lui nuire que de me 
        savoir oublié, ou moins aimé. Aussi, vous êtes de ceux, émus, élus, qui songent à 
        moi dans mon chagrin pour m'en atténuer l'amertume. Merci donc, en mon nom et au nom d'une Ombre A MAURICE BAGES  : Cher Bagès, votre voix charmait mon pauvre ami. Je penserai à lui quand vous chanterez. Et je serai désormais deux à vous écouter quand  j'aurai le bonheur de vous entendre. à MADAME MAURICE BARRES  :  Chère Madame, Madame de Martel m'a écrit que vous lui disiez, parlant, 
        alors, de mon pauvre malade : " Je le voyais sur le balcon ; et puis, 
        je ne le vois plus. " Et Barrès, lui, a vu jaunir et trembler, sur l'aube 
        de son départ, la flamme des cierges funèbres. Toute ma volonté reste prise entre ces deux visions, 
        qui bornent mes jours. Je ne puis m'en distraire, même dans le but de 
        répondre à ceux qui, comme vous, Madame, ont trouvé, pour ces premiers 
        et fragiles instants du deuil vrai, des mots qui, non seulement ne brisent 
        pas, mais qui fortifient. Excusez moi donc, je vous en prie, de vous remercier 
        tardivement, pour votre noble lettre dont tous les termes m'ont cependant 
        touché. Chaque fois que j'ai voulu y répondre - vingt fois 
        - je l'ai reçue et relue, et je vous en ai su gré. Au non de cela, vous me pardonnerez. Ou ne goûte probablement qu'une fois dans sa vie un 
        chagrin parfait. Tel est le mien. Je le possède et il me possède. Et c'est 
        chacune des actions de mon existence qui commence désormais par ces mots 
        : " Sois sage, ô ma Douleur ! " Votre affligé et allectionué. à HENRY BATAILLE :  J'aimerais à me persuader que l'influence de mon cher 
        disparu fut notre collaboratrice, en la circonstance que vous savez. Mais 
        son esprit m'a paru fuir, avec la rapidité d'une flèche, laquelle serait 
        empennée d'une des plumes de l'Ange " qui veille aux destinées de 
        l'Amérique ", selon l'expression de Chateaubriand. Swedenborg a vu le paradis des Hollandais et celui 
        des Belges ; et le paradis de mon pauvre Américain me semble devoir ètre 
        bien distant, hélas ! Et cependant, cela, je le sais, un tel paradis ne lui 
        serait qu'un enfer, s'il n'y savait rien de l'ami pour lequel on ne saurait 
        l'imaginer que brûlant, et sauvant une flamme dans ce qui lui reste de 
        cœur! J'ai été heureux de ma soirée auprès de vous, mystérieuse 
        peut-être plus encore qu'on ne l'aurait dit, et au-dessus de laquelle 
        planait une Ombre, retenue de se manifester, pour ne pas déchirer l'Invisible 
        par une lumière et par un cri. à MONSIEUR BERNHARD BERENSON : Cher Maître et Ami, Croyez bien que j'ai été extrêmement, infiniment touché 
        par le rapide et spontané témoignage de votre sympathie. Mais des réflexions, si longues et si aiguës soient-elles, 
        ne sauraient, je m'en aperçois, préparer à un tel malheur, qui me laisserait 
        sans forces, si je ne pensais que m'y abandonner serait désobéir à Celui 
        qui a donné sa vie pour ce qu'il appelait ma gloire. Vous revoir me sera toujours agréable ; et davantage 
        encore depuis que vous avez mis, pour moi, de votre cœur dans votre esprit. à MONSIEUR EMILE BERR : Cher Monsieur et Ami, Vous excusez mon silence, parce que vous l'entendez. Quand il vient de ce qu'on a connu vibrant, il s'exprime 
        alors comme voix muette. - Il dit vrai. Ma vie, par cette perte, a perdu de sa beauté, de son 
        but, de sa lumière, et de son ardeur. Mais il lui reste, je l'espère, 
        assez de vertu et assez de force pour n'en achever qu'avec plus de volonté, 
        une œuvre qui fut aussi l'œuvre de l'absent, par la continuité du dévouement 
        qui l'a consumé pour elle. à ALBERT BESNARD : Cher Maître et Ami, J'ai été heureux de pouvoir formuler au moins quelques-uns 
        de mes sentiments pour votre art, à l'occasion de votre belle exposition. 
        J'aurais voulu faire mieux, ainsi que je l'ai écrit alors à quelqu'un 
        qui vous est cher. Mais je gravissais, à ce moment-là, mon grand Calvaire 
        d'Amitié, qui s'est, comme tous les Calvaires, achevé sur la Croix de 
        la désolation et de l'isolement. C'est alors que je me suis souvenu de 
        votre interprétation du grand Drame et qu'elle m'a apporté, du fond de 
        l'Invisible, sa consolation fortement divine et tendrement humaine. Merci de la compassion que vous y avez jointe, comme 
        la signature personnelle et comme la dédicace amicale de ce que votre 
        œuvre a magnifiquement écrit pour tous les souffrants. au DOCTEUR BLONDEL : Je ne veux rien entreprendre qui ressemble à un plaisir, 
        avant d'avoir assuré: le repos à une précieuse dépouille, plus présente, 
        pour moi, que tout ce qui reste des absents, et plus vivante que tout 
        ce qui reste de la vie ! à la PRINCESSE DE BRANCOVAN 
        : Chère Amie, Vous vous êtes toujours montrée affable et bonne pour 
        Celui qui n'est plus. Quand il vivait, cette pensée augmentait mon attachement 
        pour vous. Que sera-ce, aujourd'hui que ma meilleure, pour ne 
        pas dire ma seule joie, est d'aimer dans le passé, et d'honorer dans l'avenir, 
        tout ce qui lui fut bienveillant et doux ? Votre affligé et affectionné. à la COMTESSE DE BRIEY (née 
        LUDRE) : Chère Amie, Je suis resté si anéanti que je n'ai pu répondre; mais 
        je n'en ai pas moins été vivement sensible aux bonnes paroles, aux belles 
        pensées, qui ont vibré autour de moi, durant ces tristes jours, comme 
        les abeilles de la douleur. Merci, à vous deux, pour ce miel d'amitié. Vous me permettrez de vous offrir, en échange, un souvenir 
        choisi parmi ceux que laisse l'absent éternel. Vous vous êtes toujours montrée bien affectueuse pour 
        lui. Et ce placement-là se thésaurisera dans mon cœur. à CAPPIELLO : Mon cher Ami, Vous interpréterez mon silence. Autrefois, je savais 
        parler. Je ne sais plus que pleurer. Et cependant je veux me reprendre, 
        pour ne pas chagriner l'Ombre de Celui qui me voulait fort. Tous deux, il vous appréciait ; et vous l' aimiez. Cet échange et ce souvenir ajoutent encore à mon personnel 
        attachement pour vos sympathiques personnes ; et le nom de ceux qui ont 
        pris part à sa dernière fête, douloureuse et douce, ne résonnera jamais 
        dans mon esprit, sans parvenir jusqu'à mon cœur. à la PRINCESSE ALEXANDRE DE 
        CARAMAN-CHIMAY : Chère Cousine,  Merci. Je pense qu'il y a du voile de Véronique dans ces feuillets 
        où de nos amis prennent un peu du visage de notre Douleur. La mienne vous 
        salue avec affliction, avec affection. au DUC DE CIRELLA : Mon cher Ami, J'ai été très touché par la visible et sensible sincérité 
        de votre condoléance. Rien ne saurait m'attacher davantage à ceux que 
        j'aimais déjà - et vous savez l'intérêt que je porte, depuis longtemps, 
        à tout ce qui vous regarde. Donc, merci encore, avec, entre nous, pour le présent 
        et pour le futur, le souvenir de Celui qui vous appréciait, et dont vous 
        faites dignement l'éloge. Votre affectionné et bien attristé. à FRANÇOIS COPPEE : Cher Maître et Ami, Croyez que j'ai été extrêmement sensible à votre pieuse 
        compassion, dans mon désastre d'amitié. Si je ne vous en ai pas remercié plus tôt, c'est que 
        je reprends tout juste, après ce rude assaut, l'usage de mes pensées et 
        de mes sentiments.  Votre fidèlement affectionné. à MADAME ALPHONSE DAUDET  : Chère Madame, Je vous dois deux réponses, une pour la joie, une pour 
        la tristesse. Merci de ce que vous m'avez écrit pour mon livre ; 
        merci de ce que vous m'avez écrit pour mes larmes. Vous vous êtes toujours montrée bien aimable pour mon 
        pauvre ami, je m'en souviens avec gratitude. Un jour, le comprenant mieux, grâce à moi, la gratitude 
        viendra de vous, pour celui qui vous aura fait connaître cette personne 
        incomparable. En attendant, merci encore, de votre affligé et affectionné. P. S. - Moi-même je vous reparlerai de votre volume 
        ; mais c'est à peine si je recommence à vivre... j'allais dire : à mourir ! à MADAME Paul ESCUDIER : Merci, Chère Madame. Cette fois encore, vous avez été 
        des premières à me parler de mon deuil, qui, cette fois, est le deuil. Mes dernières bonnes heures ont été chez vous. En reparler me fera croire qu'elles peuvent revenir. 
        Et ce sera tristement impossible. à MONSIEUR JEAN D'ESTOURNELLES : Cher Monsieur, Qne puis-je ajouter à ce que vous avez vu ? Vous avez vu la Mort sachant rester courtoise et gracieuse, élégante et belle. Et cela était ainsi jusqu'au fond de son cœur. L'infinie douleur de perdre ceux que nous aimons le 
        mieux, n'est rien auprès de cette pensée de ce qu'a pu leur coûter la 
        consommation de leur sacrifice. Leur faiblesse les aide-t-elle plus alors 
        que ne le fait notre force ? Que puis-je ajouter à de tels souvenirs, si ce n'est 
        mon remerciement de les avoir compris, d'y avoir compati ? à MONSIEUR FERRARI : Cher Monsieur, Merci de m'avoir aidé à faire rendre justice et hommage 
        à Celui qui le méritait, et dont tant de témoignages qui m'arrivent, célèbrent 
        le caractère et le dévouement. Il appréciait fort votre bonne grâce et votre distinction 
        courtoise. Il a suivi de près la pauvre Marquise de Casa-Fuerte, 
        et je puis leur appliquer, à tous deux, ces vers du poète : " J'ai déjà tant d'âmes 
        aimées Sous le lugubre vêtement ". Merci ; tristement à vous. à MADEMOISELLE FEURGARD : Chère Mademoiselle, Hello a parlé du mystère des rencontres. De votre rencontre avec Celui qui n'est plus, résulte 
        une œuvre qui durera. C'en est une preuve de plus, devant laquelle il faut 
        s'incliner, en priant, en pleurant. A ALBERT FLAMENT : Vous m'avez écrit une lettre charmante, de celles qui 
        font prédominer, par dessus le timbre de l'esprit, le battement du cœur. Vous êtes de ceux qui continuent, et continueront d'exister 
        pour moi, parce qu'ils ont été mêlés à la vie et à la mort de l'unique 
        ami. Je serai heureux de vous voir. +°+ Cher Ami, Venir à ceux qui souffrent, c'est déjà un acte noble. 
        Revenir vers eux requiert une sorte d'héroïsme qui n'est, que de quelques-uns. 
        il y faut presque l'obsédant souvenir d'une douleur exceptionnelle. La 
        mienne est cela. Mais je suis loin de m'attribuer uniquement la gloire 
        de la composer toute pour ceux qui se la rappellent. L'image et la mémoire 
        de Celui qui en est l'objet sont de celles que l'absence et le silence 
        accroissent, parce qu'il est anormal de les voir se substituer, l'une, 
        à la présence palpitante, l'autre, à la vibration multipliée. Vous m'avez écrit des choses dont il est consolant 
        qu'elles soient au moins imaginées. Au reste, je ne vous démens pas. Il 
        n'est que naturel qu'une appréciation, toujours plus consciente, de ce 
        qui fut goûté lentement, serve de contre-partie à la fonte des apothéoses 
        indues. Après l'intense article de Bataille, la fine étude 
        de Marcel ne me contredit pas ; le passé qui devient, à chaque instant, 
        l'avenir, se charge de le réaliser plus pleinement. Ce qui est plus difficile à rencontrer, c'est l'assistance 
        assidue et cordiale d'un esprit volontairement affermé, inféodé au présent 
        et au futur de nos œuvres. Il n'y a pourtant pas de sécurité sans cela, 
        surtout quand il s'agit de publications posthumes. Je l'avais, je l'ai perdu, je le pleure. Mais croyant à un ordre invisible, je m'incline, je me soumets, je poursuis. +°+ Cher Ami, Merci de votre mot bien affectueux. Si vous avez pris du plaisir, croyez bien que vous 
        m'avez rendu service. J'étais venu pour m'enivrer de tristesse et, certes, 
        je n'aurais pas voulu m'en distraire pour tel ou tel. Mais votre compréhensive 
        présence m'a aidé à jeter un meilleur regard sur ces choses désolées. Je pars demain et je rentre à Paris directement. Mais tous mes soins vont être pris par la Maison des 
        Morts. Quand elle sera prête, je vous préviendrai ; nous irons 
        ensemble visiter Celui dont la cordialité fut si vibrante, que même son 
        silence nous sera sensible, et que son absence nous accueillera. à ANTONIO DE LA GANDARA :  Cher Gandara, Votre lettre me touche d'autant plus que vous m'aviez 
        déjà exprimé, de vive voix, votre condoléance. Ce m'est une preuve nouvelle de l'insistance avec laquelle 
        cette absence s'accentue dans les âmes qui surent comprendre et apprécier. 
        Et cet bommnage, rendu à notre ami, est la seule chose qui puisse m'être 
        agréable désormais. Votre attitude, durant ces avant-derniers jours, ces 
        dernières heures, m'a prouvé, une fois encore, que vous étiez de ceux-là.  Elle affermira notre amitié en ajoutant des soupirs 
        à des souvenirs. au COMTE ARNAUD DE GRA.MONT : Mon cher Ami, Je m'indigne toujours contre cette locution et l'interdiction 
        qu'elle représente : " On est prié de n'envoyer ni fleurs, ni couronnes. " Ce siècle finira par écrire : " On est prié de ne plus 
        adresser de condoléances. "            
        Et finalement : " On est prié de ne plus pleurer. " Nos larmes n'en resteront, pas moins la consolation 
        de nos chagrins, et nos vrais amis, ceux qui nous plaignent de les verser. Merci de vous montrer, pour moi, de ceux-là. à la COMTESSE DE GUERNE : Chère Comtesse, Mon pauvre ami aimait vous entendre, et reconnaît votre 
        voix, parmi les célestes harmonies qu'il écoute aujourd'hui, dans le lieu 
        où il reçoit la récompense de son dévouement, par moi, pleuré, et chanté 
        à jamais. Merci à vous, et à Henry, pour votre précieuse sympathie. à la DUCHESSE DE GUICHE : Chère Elaine, Ce matin, je vous reconnaissais mal, sous votre sombre 
        voile, douloureux sur votre jeunesse ! J'en entendais sortir des murmures de compassion pour 
        ma propre peine, qui m'effeuraient sans vous révéler. Soyez-en remerciée. Ils représentent, avec tout, ce qui me vient d'affectueux 
        dans mon chagrin parfait, le lien qui me rattache désormais à ce qui survit, 
        pour moi, de sentiment et de pensée. à MONSIEUR REYNALDO HAHN  : Cher Monsieur, J'aurais été étonné de ne pas vous voir venir à moi 
        dans ces cruels jours, et j'en aurais été peiné, puisque les noms qui 
        signent, à cette heure, bien des témoignages élogieux et touchants, à 
        l'honneur de mon pauvre ami, représentent le groupe élu qui continuera 
        d'exister pour moi, tout le temps que j'achèverai de mourir. C'est dire que j'ai été heureux d'y lire les noms d'aimables 
        personnes de votre famille, qui se sont souvenues d'une heure harmonieuse, 
        grâce à vous, au cours de laquelle la chaleureuse bonne grâce de Celui 
        que je regrette s'était, une fois de plus, fait admirer et aimer. à PAUL HELLEU : Cher Ami, Je suis si triste que je ne puis ni écrire, ni parler 
        ; à peine vivre. Mon pauvre Yturri vous admirait, vous aimait, et vos 
        causeries du matin furent des derniers plaisirs de sa vie. Quant à votre dernière visite, elle fut poignante, 
        vous en souvenez-vous ? C'est alors qu'il vous a dit, me croyant occupé 
        ailleurs : " Regardez-moi bien, Helleu, je n'en reviendrai pas. " Ces paroles resteront sans fin dans mon cœur et le 
        déchireront à jamais. J'ai perdu un ami comme il n'y en a pas. - Je le 
        pleurerai toujours. à GEORGES HOENTSCHELL : Hélas ! non, cher Ami, pas d'illusions ! De minute 
        en minute j'attends le dénouement sinistre. Et quand c'est la fin d'un 
        tel être, le cœur est brisé. Merci pour lui, merci pour moi, merci de 
        l'ange (1)  qu'il ne peut plus voir, mais qui lui ouvre la 
        porte du Ciel. +°+ Mon cher Ami, En effet, l'heure de nous voir avait toujours été agréable. 
        Elle est devenue sensible, et comme nécessaire. Ce changement doit avoir des causes profondes et mystérieuses. 
        Notre devoir, comme notre plaisir, n'est-il pas de nous y abandonner ? On petit le supposer, (pourquoi pas, puisque c'est 
        consolant ?) ceux que nous pleurons se seront peut-être aussi rencontrés 
        dans I'Au-Delà ; et leurs attendrissements sur nous, leurs pitiés, ont 
        des échos et des reflets qui se prolongent dans nos cœurs. Hélas ! demain m'apprête encore de cruels moments 
          (2). Il va me falloir apprendre à perdre, une seconde fois, le compagnon 
        à tout jamais regretté, revivre des heures d'angoisse, ou plutôt, remourir ! Vous serez heureux de savoir que je vais sans doute 
        obtenir la statue, et que la volonté de la matière et des circonstances 
        s'est mise d'accord avec moi, pour orner et pour honorer du Symbole qu'il 
        fallait, cette demeure du Silence. Hélas ! mon bon ami, je n'ai encore trouvé qu'un remède 
        à des maux comme les nôtres dont la consolation est d'être inconsolables, 
        et qui sont causés par la disparition d'irremplaçables êtres, c'est de 
        nous conformer de notre mieux (et avec application dans ce sentiment) 
        à ce que, s'ils avaient été là, ils auraient voulu, pour nous, et souhaité, 
        de nous, dans leur haute compréhension de notre avantage, et leur délicat 
        sentiment de notre bonheur. Voilà mon remède. Je vous le donne. Ce sont de ces 
        choses qu'on peut donner sans les perdre, tout comme l'amitié que je vous 
        offre ici. à MONSIEUR EMILE HOVELACQUE : Cher Monsieur et Ami, Je tiens à vous redire merci pour l'expression écrite, 
        parlée et sentie de votre condoléance. Elle m'a été de grand réconfort. 
        Je vous salue avec affliction. au DOCTEUR HUGENSCHMIDT : Cher Ami, Merci. Vous devinez mon chagrin. L'avoir longuement pressenti ne l'atténue pas. En parler 
        avec vous l'adoucira. à GUSTAVE JACQUET : Cher Ami, J'ai souvent pensé à ce que vous m'aviez dit de ces 
        rubans, auxquels ne pouvait se réhabituer votre deuil de Celle qui les 
        portait ; ces rubans dont la vue s'obstinait à vous serrer le cœur. Le même cruel traitement m'est infligé par beaucoup 
        d'objets familiers à une amitié restée jeune, en dépit d'un âge de quatre 
        lustres. Tous, nous cheminons par nos routes de souffrances, 
        toutes diverses, toutes similaires. C'est une consolation que de se tendre 
        la main, d'un parcours à l'autre de ces voies douloureuses. - N'est-ce 
        pas ? à MADAME JEANNIOT : Chère Amie, Merci. Tous deux, mon pauvre ami vous aimait. C'est redoubler désormais l'attachement que je vous 
        ai voué. à JOSEPH-RENAUD : Cher Ami, Vous dites ces choses comme elles sont, et comme il 
        le faut. Je ne puis encore en écrire, à peine en parler. Mais, 
        venez, je serai heureux de vous revoir. Vous avez participé à des heures qui furent les dernières 
        de ma vie. Ma survie a commencé. J'y ferai ce que j'y dois. à MADAME JOSEPH-RENAUD : Chère Madame, Vos roses ne sont pas fanées, ne se faneront jamais 
        dans mon cœur. C'est tout ce que mon chagrin peut écrire. Il faut 
        rapprendre à parler après les désastres ; mais non pas à se souvenir. Mon ami, dont l'ambition n'était que de mes avantages, 
        avait été heureux de votre succès dans la récitation de mes vers. Depuis, 
        je ne vous ai plus vue. Un témoin de nos derniers jours douloureux et doux, 
        vous en aura communiqué le mystère frissonnant. Je n'y insiste pas. Ces heures nous ont unis. Elles étaient mêlées de fer 
        et de fleurs, de flammes et de larmes. Et les flammes des cierges funèbres, qui ont éclairé 
        le dernier matin, elles, non plus, ne s'éteindront jamais dans mon cœur à MONSIEUR PAUL LAMBOTTE : Mon cher Ami, Laissez-moi vous appeler ainsi, en ajoutant, à mes 
        sentiments personnels, la vraie sympathie que vous aviez inspirée à un 
        cœur merveilleux, difficile et fidèle. Il a bien pu cesser de battre ; mais il n'a pu cesser 
        de brûler. De tels foyers sont inextinguibles. Près de vous, je m'excuse à peine. A quoi bon, pour 
        qui sait entendre les déchirements de la solitude et les vibrations du 
        silence ? Vous avez compris, n'est-ce pas, le malaise de notre dernière 
        rencontre opprimée, presque oppressée, et le désir de sourire, devant 
        la menace de pleurer ? Et quelles remontantes larmes ! vous m'avez adressé des paroles simples, fortes et 
        douces, qui m'ont vivement ému. Je suis heureux de pouvoir enfin vous le dire et que, 
        pour toujours, elles ont fait de moi celui qui n'oubliera jamais. à HENRY LAPAUZE : Cher Ami, Excusez-moi de ne vous avoir pas encore remercié pour 
        votre précieuse sympathie. J'étais si blessé que je pouvais à peine penser, 
        encore moins écrire. Aujourd'hui il faut bien me reprendre à vivre, et dans 
        ce haut sentiment d'art et de beauté que vous avez vanté, qui fut si cher 
        à mon pauvre disparu. Vous souvenez-vous de notre petite réunion, (la dernière). 
        Tant de gaité, et la douleur si près ! Un peu plus tard, j'écrirai à Madame Lapauze, pour 
        les beaux livres. Aujourd'hui, j'ai seulement voulu vous dire merci pour 
        votre compassion, dont je tiens et serre les mains. à la COMTESSE AIMERY DE LA 
        ROCHEPOUCAULD Chère Amie, J'ai été heureux de lire votre nom, parmi ceux qui 
        sont venus s'inscrire lumineusement sur les ténèbres de mon deuil. Ces noms, ont acquis pour moi deux fois plus de force 
        et de grâce ; ils seront tout puissants désormais sur mon esprit et sur 
        mon cœur. à GABRIEL DE LA ROCHEFOUCAULD : Cher Gabriel, Mon chagrin dépasse de tant de larmes les limites d'ordinaire 
        assignées à ces sortes d'offices, qu'il me faut m'en taire. Vous le comprendrez 
        aisément. Je ne vous en remercie que plus affectueusement de 
        la sollicitude marquée, par vous, au cours de ces étapes cruelles, et 
        qui fixe pour moi, la sympathie de ce qui me reste d'avenir. à MONSIEUR HENRI LAVEDAN : Cher Monsieur, Voulez-vous, pouvez-vous venir, un instant, vers la 
        fin du jour ? Vous verriez encore cette belle cour, ces vieilles 
        plantes, quelques chambres, quelques choses drapées de mélancolie, et 
        déjà voilées, comme mes sentiments, et mes pensées ; enfin, quelques tendres 
        et poignants aspects de cette demeure atteinte, qui, sans doute, elle 
        aussi, va mourir ! Et, tout cela, sans préjudice de la réponse que je 
        dois, et veux faire, à deux lettres qui sont dans mon cœur ! +°+ Cher Monsieur, Cent fois, j'ai voulu vous écrire. Ou, plutôt, ce n'est 
        pas assez dire ; je l'ai voulu tout le temps ! Je suis un homme qui veut 
        vous écrire. Pourquoi ne l'ai-je pas encore fait ? - Sans doute, 
        par suite de cette extrême circonspection dont on entoure les choses que 
        l'on juge, justement importantes. La crainte de vous paraître ingrat me 
        fait me décider enfin. A la suite de notre rencontre de Juin, et de l'envoi 
        de mon livre, vous m'avez d'abord adressé une lettre infiniment courtoise, 
        laquelle fut une des dernières Joies de Celui qui ne vivait que pour me 
        voir apprécier par ceux qu'il admirait. L'anxiété poignante que sa santé me causait, alors, 
        me priva de vous remercier, comme je l'aurais voulu. C'est à cette minute, 
        que, ce remerciement, vous l'avez devancé par l'exquise expression de 
        votre sollicitude, pour un de ces malheurs distants et pressentis, qui 
        font penser à ce titre d'une poésie : Une nuit qu'on entendait la 
        Mer sans la voir. Cela, cher Monsieur, parmi l'humanité indifférente, 
        et la féroce mondanité, c'est un de ces bienfaits de Samarie, que rien 
        ne saurait reconnaître ; si ce n'est, cependant, (lorsqu'il est sincère) 
        le sentiment qui habite et illumine ces deux vers simples et profonds : " N'oubliez jamais dans vos 
        larmes, à MADAME MADELEINE LEMAIRE  : Chère Amie, Tous deux le deuil nous a visités. Vous souvenez-vous de la soirée du Coffret ? Nous savons 
        maintenant ce qu'il contenait... nos larmes. Mon pauvre ami aimait cette page. Il avait été heureux 
        de me la voir écrire pour vous ; de m'entendre vous la lire. Et ces circonstances 
        arrachaient, à son âme exquise et ardente, les derniers de ces accents 
        persuasifs qui faisaient sa force et sa grâce. Je suis bien sûr que vous ne l'oublierez jamais. Nous 
        en parlerons souvent. Il nous unira toujours. à HUGUES LE ROUX : Cher Ami, Vous m'avez dit ce que, seulement, je pouvais entendre, 
        sans redoublement de peine : et cela, parce que vous l'aviez éprouvé 
        vous-même. Les douleurs extrêmes se ressemblent. J'ai souvent 
        pensé et dit, que les chefs-d'œuvre ne sauraient se surpasser entre eux. 
        Il y a des chefs-d'œuvre de la douleur. Quand on a vu se refermer les yeux qui vous versaient 
        la confiance, ils emportent avec eux notre inclination à les suivre. Et ne pourrait-on pas dire alors, que la mort nous 
        devient trop facile puisque nous nous sentons rappelés par Ceux dont le 
        départ nous laisse inconsolables ? " J'ai déjà tant d'âmes aimées, Une seule fine, vraiment amie, contient, pour nous, 
        toutes ces âmes-là. Telle était l'âme que je pleure.. Vous en avez connu l'extérieur attrait. Le tréfonds 
        vous sera révélé. Alors vous comprendrez mieux. En attendant, merci pour vos belles et bonnes paroles. 
        Elles ont achevé de vous conquérir ce qui me restait de mon cœur meurtri. à MADAME LOBRE : Chère Madame, Vos fleurs me touchent entre toutes, parce qu'elles 
        sont remontantes du souvenir. Elles prouvent que tous les sentiments et toutes les 
        pensées ne se fanent pas tout de suite, et que je ne serai pas tout seul 
        à ne pas me consoler. Merci ! à MAURICE LOBRE : Cher Ami, J'ai remercié vos deux collaboratrices en cette œuvre 
        pie. Je tiens à vous remercier, à votre tour, vous aussi. J'ai porté moi-même les fleurs à Celui qui vous aimait, 
        qui les aimait, qui nous aimait. à MADAME DE MADRAZO : Chère Madame et Amie, La seule façon que j'aie de remercier une Mémoire, 
        à l'égard de laquelle ma dette ne saurait finir, c'est de m'émouvoir à 
        chacune des occasions que me présente le passé, d'exalter Celui qui l'anima 
        de tant de bonté. Il n'y avait, pour lui, véritable joie que dans l'hommage 
        qui m'était rendu. La grâce ingénieuse avec laquelle vous avez, au sortir 
        de ma conférence sur le Japon, confié à des fleurs d'Extrême-Orient, le 
        soin de me dire votre satisfaction, l'avait comblé de plaisir. Je me souviens d'un vaste chrysanthème blanc, fleur 
        chenue et vénérable, aux pétales frisés, qu'on aurait pu prendre pour 
        la végétale réincarnation d'Okousaï en personne. " - C'est le vieillard 
        fou de dessin ! " - s'écriait mon pauvre ami. Et ses soins s'appliquèrent 
        longtemps à prolonger les jours de la fleur symbolique. Ces retours me sont douloureux et doux. J'aime à m'y 
        promener avec vous et à vous envoyer, pour vous deux, les tristes rejets 
        de mon sentiment et de ma pensée. à MISS MARBURY : Chère Amie, J'espère que vous êtes mieux. Moi, je suis malheureux. J'ai perdu la plus grande 
        part de ce qui me faisait, sinon aimer, du moins, supporter l'existence. Un moment, vous avez paru grandement subir le charme 
        de Celui qui en rayonnait un si communicatif ! C'est à ce moment-là que 
        vous l'avez jugé et apprécié comme il le méritait. Puis, les refroidissements 
        sont venus, les malentendus. Ce sont les vrais torts de la vie. Le souvenir vous rendra votre première lucidité, et 
        ce sera notre meilleur lieu d'entente et de réunion. au DOCTEUR et à MADAME MARDRUS : Vos bonnes lettres, vos beaux portraits sont arrivés 
        avec mon deuil, comme une condoléance qui ne sait pas et qui, cependant, 
        souffre avec moi. +°+ Chers Amis, Vos pensées, vos paroles, vos écrits, vos images sont 
        venus me visiter, m'accompagner dans les premiers instants de mon deuil. La suite de ma vie aura la forme, et la couleur de 
        ces premiers instants ; forme affligée et couleur sombre. Cependant, un charme s'y répandra, une force l'habitera, 
        de par la volonté de se conformer à un dessein qui fut assez longtemps 
        double, pour que l'accomplir à soi seul, demeure facile à qui sait se 
        souvenir ! Je suis celui-là, votre affligé, votre affectionné. P.-S. - Au moment de vous adresser ce mot, arraché 
        a ma silencieuse tristesse, je relis vos belles et bonnes lettres, auxquelles 
        il me semble une bien insuffisante réponse. Mais le mutisme n'est-il pas 
        plus insuffisant encore ? - Vous me comprendrez et m'excuserez. On n'aime qu'une Douleur dans sa vie. J'ai rencontré 
        celle-la, et ne puis encore obtenir, de moi, de lui fausser compagnie, 
        fût-ce un instant, et pour remercier de la compassion qu'elle suscite. 
        - Mais croyez que j'ai goûté, apprécié la force et la finesse de vos paroles 
        et que rien n'en a passé inaperçu, pour mon sentiment ni pour ma pensée. à ANDRE MAUREL  : Cher Ami, Telle est, hélas ! la douloureuse raison de mon silence, 
        à la suite de votre précieux envoi, aux destinées duquel je n'en veux 
        pas moins veiller, tenant pour la meilleure façon d'honorer mon cher défunt, 
        la continuation d'un effort d'art, au nom duquel il a donné sa vie ! Merci pour vos bonnes paroles. Je n'entends bien que 
        ce qui me parle de ce dont elles traitent. Le reste peut bien m'atteindre, 
        mais non me toucher. Nous chercherons ensemble un souvenir qui vous plaise 
        et vous parle de l'inoubliable, de l'inoublié. à CHARLES MEUNIER : J'ai été très sensible aux bonnes paroles que vous 
        m'avez adressées dans mon grand chagrin. Je suis allé plusieurs fois pour vous le dire. Vous 
        étiez absent. Je l'ai d'autant plus regretté que je voulais vous entretenir 
        d'un projet qui n'est pas sans rapport avec elles. Voici ce dont il s'agit. 
        Je désire consacrer à la mémoire de mon admirable compagnon un livre qui 
        sera imprimé à petit nombre et donné, par moi, à ceux qui l'appréciaient. 
        Et le caractère sensible de cette œuvre me fait souhaiter de la réaliser 
        dans votre maison amie. à JEAN DE MITTY : Mon cher Mitty, Vous m'avez écrit de belles et bonnes paroles. Elles 
        se sont répandues avec douleur sur ce grand silence qui vient de se faire 
        dans ma vie, s'y prolonge, et y durera. Quel autre accent saurait, en effet, raisonner où vibra, 
        vingt ans durant, le noble timbre du zèle ardent et du dévouement passionné ? Mon admirable compagnon vous appréciait. Sa clairvoyance 
        distinguait les sympathies véritables, dissipait les malentendus, et bien 
        des fois rendit ce service d'élucider, de pacifier, de rapprocher, de 
        réunir. Son souvenir nous parlera de même, et nous l'entendrons. à MADAME DE MONBRISON : Chère Amie, Votre noble philosophie est venue me visiter. Elle 
        m'a trouvé en larmes. Les grandes douleurs ouvrent, dans notre cœur, 
        des blessures qui sont comme des paupières, comme des lèvres, comme des 
        oreilles, et qui nous font mieux voir, mieux interpréter, mieux entendre 
        au fond de nous-mêmes. Je crois m'y reconnaître dans ces nouvelles ténèbres 
        que mon destin m'a voulues. Il me reste à parfaire ma vie, à conclure 
        mon œuvre, dans l'esprit que voulait le cœur de Celui qui donnait confiance, 
        parce qu'il avait foi. Vous avez vu l'extérieur brillant de cette âme lumineuse 
        et chaleureuse. J'espère un jour, vous en faire connaître le foyer. Celui qui reste vous conserve double sympathie... pour 
        l'autre, et pour lui. au DUC DE MONTMORENCY : Mon Cher Duc, Je tiens à vous récrire ce que je vous ai dit : que 
        j'ai été très sensible à votre compassion. Vous vous étiez toujours montré bien aimable pour mon 
        pauvre ami ; il n'y a pas, pour moi, de pensée plus touchante, plus attachante. 
        Veuillez en agréer la nouvelle assurance, embellie de ce souvenir. à MONSIEUR LEON MOREAU : Vous rappelez-vous notre rencontre, à cette matinée 
        de musique ? Une grande douleur s'apprêtait, et j'étais loin de 
        la savoir si proche. C'est sans doute ce souvenir qui vous a amené vers 
        moi, en ces jours voilés. Je vous en remercie d'un cœur ému. Je vous revois debout au sommet de ce petit escalier, 
        causant avec Celui qui bientôt allait se taire, et dont la voix a emporté, 
        pour moi, tant d'échos profonds, tant de fraternelles harmonies ! N'oubliez 
        ni l'absent, ni le désolé. à MADAME LUCIEN MUHLFELD : Chère Amie, Vous savez ce qu'il en coûte de voir s'éteindre l'espérance 
        dans les yeux des êtres pour lesquels on donnerait sa vie. Une fois franchi ce degré d'angoisse, l'existence n'a 
        plus grand chose à nous apprendre, si ce n'est à mourir nous-mêmes, aussi 
        noblement que les doux qui nous en ont montré le chemin, et que les forts 
        qui nous en ont donné l'exemple. A vous, en Ceux qui ne sont plus. à la COMTESSE MATHIEU DE NOAILLES  : Chère Comtesse, " N'oubliez jamais dans vos 
        larmes Ces deux vers éloquents et simples résument désormais 
        ma ligne d'horizon et le tracé de ma vie. Je reconnais des yeux qui ont pleuré avec moi, des 
        mains qui se sont refermées sur les miennes, dans les premiers instants 
        de mon deuil, et je regarde les uns, je serre les autres avec plus de 
        sentiment que je n'avais fait jusqu'alors. Mon pauvre ami vous admirait beaucoup. Vous lui avez 
        souvent témoigné de votre grâce. Ces souvenirs s'ajoutent à ceux qui m'attachent 
        à vous. Cependant, il vous était difficile de vous rendre compte de ce 
        que valait ce dévouement ; et c'est mon devoir d'amener à cette compréhension 
        ceux qui doivent en être émus. Parlons de vous, mon sujet n'étant que de larmes.... à MONSIEUR DE NOLHAC : Cher Ami, Ce triste faire-part vous dira pourquoi je n'ai pu 
        répondre plus tôt à votre exellente lettre, qui fut une des dernières 
        joies de mon pauvre ami. Vous êtes de ceux que j'aimerai toujours à revoir. 
        Il vous appréciait, et votre bonne grâce lui était acquise. L'âme de Versailles vivait mystérieusement en lui. 
        Et il est possible, il est probable que les destinées de son nom y soient 
        unies. Nous en parlerons. Recevez, en attendant, mes pensées voilées. à R. DE OCHOA : Cher Ami, Je tiens à vous redire merci pour vos bonnes paroles 
        d'avant, pendant et après. Vous êtes de ceux qui subissiez la séduction d'une 
        nature merveilleuse, dont vingt ans de compagnie quasi quotidienne n'avaient 
        pas diminué, un instant, pour moi, le charme et le réconfort. C'est dire mon chagrin. C'est dire aussi sa noblesse 
        qui l'empêche d'être faible, sa grandeur qui me permet d'en être fier. au COMTE DE PÉRIGORD : Mon cher Ami, Vous n'avez pu vous méprendre sur les sentiments qui 
        m'ont dicté ma retraite subite et subie. Mon deuil est encore trop récent 
        et trop sensible pour que je puisse prendre part à la réunion, même des 
        personnes que j'aime le mieux. Vous avez vous-même été visité par une 
        perte assez cruelle pour ne pas méconnaître les susceptibilités de la 
        douleur. Je tenais à vous redire cela, mon cher ami, avec encore 
        tous mes remerciements pour votre compassion dans ma peine. à la COMTESSE JACQUES DE POURTALÈS : Chère Amie, Vous m'avez écrit une charmante lettre, dont, par une 
        grâce de plus, les dernières lignes se teintaient de mes inquiétudes. Elles ont eu leur aboutissement tragique ; on pourrait 
        dire leur couronnement, tant il y a eu de beauté dans ce malheur ! Là encore votre souvenir m'est parvenu, fidèle et compatissant. 
        Aujourd'hui seulement, je puis vous en dire merci. On ne perd pas ce qui fut unique dans une existence 
        déjà longue, sans, hélas ! sentir beaucoup de soi-même partir déjà 
        pour le grand voyage. Et, cependant, il faut rester pour achever ce qu'on 
        avait commencé ensemble, et sans doute lui donner ce trait de perfection 
        qui, seul, vient des larmes. Les miennes se souviendront que vous ne les 
        avez pas oubliées. au PROFESSEUR POZZI : Cher Ami, " Il nous est malaisé de retirer 
        notre âme De ces grandes douleurs. " Merci de m'y aider, et de m'y aimer. à MARCEL PROUST  : Cher Marcel, Vos paroles me sont douces. Elles m'apportent des échos, 
        plus forts que des voix. Oui, cette " dernière soirée " que vous évoquez, je 
        me la rappelle avec douceur, avec douleur. Mon admirable ami s'y était, 
        une fois de plus, exalté dans la joie de me voir louer, et le noble spectacle, 
        le rare exemple que présentait cette perpétuelle ardeur pour la cause 
        d'un autre. sert aujourd'hui à faire son éloge funèbre bien éloquemment. Merci de vous y associer. +°+ Cher Marcel, C'est une délicatesse, je l'ai compris, de me parler 
        d'autre chose; et que cette autre chose soit une part de ce pour quoi 
        mon pauvre ami vécut et mourut. Avec vous, pourtant, je pourrai parler de lui etj'en 
        serai heureux, autant que ce mot puisse s'appliquer à des choses douloureuses. 
        Mais c'est la grâce du chagrin de changer d'usage, pour nous, les mots, 
        les sentiments et les pensées, et de nous faire trouver du bonheur, dans 
        ce qui nous causait du chagrin, pour nous dédommager de ne, plus rencontrer 
        que de l'ennui, dans ce qui nous apportait du plaisir. Vous avez été trop mêlé à ce qui fut nos joies et nos 
        peines, pour ne pas m'apparaître comme le confident souhaité, réceptif 
        et compatissant de tant d'échos devenus sans résonnances, et de souvenirs 
        pleins de soupirs. +°+ Cher Marcel, N'est-ce pas étrange que, dans l'instant même où vous 
        faites une si belle apologie, une apothéose de mon verbe, je me sente 
        aphone et atone, au point d'écouter sans y croire, ce que vous me dites, 
        et ce que vous dites de moi, et comme j'entendrais l'histoire d'un autre 
        ? Une autre fois, j'espère vous remercier mieux de ce magistral morceau, 
        et, pour aujourd'hui, je vous demande la permission de traiter plutôt 
        de Celui qui s'en serait réjoui, et peut-être vous l'inspira, de ce " 
        lieu de rafraîchissement ", où, sans nul doute, il continue de brûler. Ce qui me touche, dans la façon dont vous m'en parlez, 
        c'est que vous me parlez de lui, et non de moi, comme font la plupart, 
        qui me parlent de lui, par rapport à moi, au lieu de me parler de moi, 
        par rapport à lui, ce qui, je le répète, m'émeut cent fois plus. C'était une nature vraiment belle, une figure haute, 
        un caractère singulier et irréductible, une grande âme, un cœur généreux. 
        La merveilleuse dignité avec laquelle il est sorti de la vie, m'offrit 
        un si beau spectacle que je ne puis en détacher ma pensée et mon sentiment, 
        qu'il induit à une humilité personnelle, quand je songe que, moi, qu'il 
        appelait son Maitre, je n'aurais sans doute pas atteint ce degré de perfection 
        dans le renoncement silencieux et dans le sacrifice contenu. J'aime à imaginer, entre vous et lui, des correspondances 
        mystérieuses. Son ingénieux dévouement d'outre-tombe cherche et trouve 
        sans doute à se loger dans des esprits et des cœurs, qu'il dispose à 
        me comprendre mieux, et à m'aimer davantage. au PRINCE DE RADOLIN : Mon Cher Prince, Je tiens à vous redire ma gratitude, pour vos paroles 
        écrites et parlées, dont le vibrant écho se prolonge dans mon souvenir. Mon admirable ami était fier de votre bienveillance. 
        Ma fierté, à moi, sera de prouver à quel point il était digne de l'appréciation 
        des bons esprits et de l'affection des grands cours. Puisse une si noble démonstration consoler, pour moi, 
        ce qu'il y a de consolable dans l'indesinenter flebat ! Votre respectueusement attaché. à MONSIEUR DE REYNOSO : Cher Ami, Le grand drame s'apprêtait, quand vous êtes venu. Il 
        a éclaté, il est éclos. Ces deux métaphores conviennent. Il a éclaté comme 
        un engin qui détruit. Il est éclos, comme une triste fleur, dont le fruit 
        amer mûrit dans la désolation, et se récolte dans l'isolement. Votre affectionné et affligé. à GEORGES RICHARD : Mon cher Ami, Merci pour les paroles de compassion que vous m'adressez 
        dans mon grand deuil d'amitié. Elles me touchent en me rappelant nos premières rencontres, 
        animées par la présence, éclairées par le zèle de Celui qui collaborait 
        de tout son grand cœur. Il me faudra, quelque jour, aller vous voir pour vous 
        consulter sur un point. Ce me sera une précieuse occasion de reparler 
        du passé, tout plein, pour nous, de douceurs et de douleurs. au PROFESSEUR ALBERT ROBIN : Cher Ami, Vous n'avez pas oublié. Ils n'oublient rien, ceux qui méritent vraiment le 
        nom d'homme. Vous n'oubliez pas, entre vos préoccupations, de me 
        dire merci, et en termes bien nobles, pour ces pauvres petites pierres 
        qui pleurent, et qui se réjouissent aussi, d'appartenir à Celui qui les 
        porte, et les pare, en mémoire de l'inoublié ! à MADAME ALBERT ROBIN : Chère Amie, Venir à la douleur, c'est œuvre d'amitié ; y revenir, 
        c'est chef-d'œuvre d'amitié. Ce chef-d'œuvre vous l'avez accompli. C'est 
        une de ces actions dont il faut féliciter, en même temps que remercier. 
        Elle me prouve, une fois de plus, ce que je connaissais déjà de vous, 
        que vous savez unir à beaucoup de grâce, une grandeur d'âme, que sa rareté 
        rend plus précieuse encore. Voici de mes nouvelles que vous voulez bien désirer. 
        J'ai passé mon temps seul, ou à peu près, s'il n'était plus vrai de dire 
        qu'un chagrin comme le mien, qui prend la place d'une présence permanente, 
        se personnalise et devient une compagnie, sur bien des points. C'est la 
        lutte de Jacob avec l'Ange, une lutte dans laquelle l'Ange-Douleur a fréquemment 
        un avantage, que nous sommes heureux de constater, pour la dignité de 
        notre constance. à la DUCHESSE DE ROHAN : Chère Amie, Je compte toujours aller vous voir, entre le 10 et 
        le 20, pour deux ou trois jours, et je m'en fais une fête, autant que 
        ce mot puisse s'associer à l'état présent de mon esprit et de mon ceeur. Mais n'est-ce pas toute la fête sombre à laquelle nous 
        donnent droit d'irréparables pertes, de parler de ceux que nous pleurons, 
        près de la mer qui soupire, et sous le jour qui s'éteint ? Je souffre un chagrin, qui ne doit pas paraitre, sous 
        peine d'offenser l'Ombre lumineuse de Celui qui me souhaitait supérieur, 
        et dont l'une des dernières paroles me disait : " J'aimerais mieux mourir 
        que de vous voir donner une seule marque, même de touchante faiblesse, 
        devant qui pourrait ne la pas comprendre. " Et, d'autre part, quelle que soit ma volonté de lui 
        obéir, je ne puis encore prendre sur moi constamment, sous l'afflux de 
        tant de souvenirs et l'assaut de tant de regrets ! Pour cela, je puis me manifester durant des heures, 
        mais à peine tout un jour. A bientôt, chère amie. Tous ceux qu'il aimait et qui 
        l'assistèrent me sont sacrés. Votre fille Marie est venue me voir. Son intelligence 
        et sa sensibilité m'ont été douces, dans ces heures amères. Je ne saurais 
        l'oublier. à la BARONNE ALPHONSE DE ROTHSCHILD  : Chère Baronne, Mon pauvre ami assistait, avec moi, aux funérailles 
        qui vous plongent dans le deuil. Peu de semaines après, son heure était venue ; et, 
        la mienne, de pleurer. L'autre jour, en relisant des lettres de lui, je suis 
        tombé sur le compte-rendu enthousiaste de sa visite à Ferrières, avec 
        le détail reconnaissant de votre réception bienveillante, de votre excellent 
        accueil à tous les deux. Ce souvenir m'a ému et renouvelle, dans le passé, ma 
        gratitude pour votre bonne grêce à l'égard de Celui qui s'en honorait, 
        et me lègue la précieuse mission de me la rappeler, pour lui et pour moi. au COMTE JEAN DE SABRAN : Mon cher Comte, Ne saurait-on voir une étrange et double prédiction, 
        dans le fait que vous soyez venu, la veille même de votre départ, pour 
        la première fois, toucher mon seuil que le malheur allait cruellement 
        frapper; et que je me trouve aujourd'hui à la porte de la demeure où votre 
        malheur personnel s'est, peu après, accompli ? J'en suis bien sensiblement impressionné, je tiens 
        à vous le dire. Vous avez perdu votre compagne. J'ai perdu, moi, un 
        ami de vingt ans qui avait partagé ma vie, c'est à dire mes peines, et 
        que nul ne me remplacera jamais. Cet état d'esprit et de cœur me rend mieux apte à comprendre votre propre chagrin. au BARON FERNAND DE SCHICKLER : Cher et bienveillant Ami, Je vous reparle dès que je puis parler, mais il y a 
        longtemps que je pense à vous. Il plaît à mon deuil que ce soit aujourd'hui que je 
        revienne vers votre compassion, dans ces premiers jours de Septembre, 
        où votre élégant et fruste palais se désemplit un peu de l'afflux des 
        curieux et de l'affluence des amis. Même à distance, ma tristesse préfère n'aborder que 
        des solitaires. Je me présente à vous, je vous représente à moi, près 
        de vos faïences où des poètes sont dépeints. Ajoutez-y le souvenir d'un ami affligé, d'un poète 
        chagrin. Mon regretté compagnon a vu ces choses, les admira 
        ; et je les aimerai mieux encore, de retrouver sur elles un peu de ses 
        regards, quand les miens s'y pourront poser sans le voile qu'y font les 
        pleurs. à MADAME MATILDE SERAO Chère Amie, Depuis quelque temps, je m'ennuyais de vous. Presque 
        je me plaignais. Puis, le malheur est venu, et maintenant, les douleurs. Pour avoir été longuement prévus, ils n'en apparaissent 
        pas moins graves, disons : déchirants. Cependant, je ne crois pas que les adversités qui nous 
        sont accordées (comme pensent les mystiques) puissent jamais être au-dessus 
        de nos forces. - Plutôt destinées à les mesurer. Les miennes, j'en jure par mon cher mort, ne seront 
        pas, je veux croire, au-dessus de ce qui m'est demandé. Il l'aurait voulu, 
        et ma gloire, comme ma joie, est de continuer de répondre à ce haut sentiment 
        qu'il avait de ma dignité, et de ce qui lui semblait être mon prestige. Ce que vous avez écrit de lui me sera bien précieux. 
        Faites-moi la grande amitié de le retrouver pour moi et de me l'adresser. 
        Je vous le demande instamment. Vous souvenez-vous de notre fête de l'an dernier? - 
        Mou pauvre ami en avait été heureux. Et j'avais écrit à Flavie pour lui 
        demander de la présider. Peu de temps aprés, ses yeux de Joconde s'éteignaient 
        avant elle, dans son visage, qui mourut voilé. Je crains de ne rentrer qu'après votre départ. Alors, 
        j'irai voir si vous êtes là, et vous partagerez mes cinéraires, comme 
        vous avez fait de mes roses. à MADEMOISELLE CÉCILE SOREL 
        : Chère Amie, J'entends des voix dans ce grand silence que sont, 
        tout à coup, devenus mes jours. La vôtre, est, comme toujours, timbrée de beauté, de 
        sincérité, et de cette chaleur qu'aimait le zèle de Celui qui fut le feu, 
        et dont il brûla. Pour cela, moi, aussi, j'aime votre voix, même quand 
        elle ne fait plus que me rappeler - peut-être mieux encore pour cela - 
        ce que j'avais, ce que je n'ai plus. à ALFRED STEVENS : Mon cher Maître, L'éloge de mon pauvre ami, dont chaque jour le mérite 
        m'apparait avec plus de noblesse, représente, de la consolation, la seule 
        part que mon regret en veuille accepter. C'est vous dire que sa louange, venant d'un homme tel 
        que vous, m'est une grande douceur. Son admiration pour votre œuvre fut une des plus sûres 
        marques de son goût, comme son affection, pour votre personne, fut une 
        des plus heureuses preuves de son cœur. Je vous salue en son souvenir. POST-SCRIPTA  à UN AMI : Mon cher Ami, Vous ne me parlez pas de votre santé. Cela signifie, 
        je veux le croire, que vous vous portez bien. Il le faut. Quant à la santé morale, c'est autre chose. L'autre jour, je vous ai indiqué un remède humain. 
        Il en est un autre, et d'une autre essence. Mais, celui-là, nul ne peut, 
        avant l'heure, en faire partager la force et la vertu. Elles sont toutes 
        personnelles et se communiquent, lorsque l'instant en est venu, sans 
        le secours d'aucune parole. Je veux parler de cette conviction que la dépouille 
        humaine n'est rien autre qu'un vêtement respectable et vénéré, pieusement 
        conservé, par nous, dans l'abri du sépulcre, ainsi que le sont, dans un 
        meuble, ou dans un coffret, des atours ou des habits, gardés, lesquels 
        furent seyants pour ceux qui s'en aimaient parer ; - mais qu'en dehors, 
        et, au-dessus, s'élève, palpite, plane, et sourit quelque chose d'éternellement 
        vivant, et de pas tout à fait incorporel, qui représente la raison de 
        notre fidélité, de notre foi et de notre espérance. Ce quelque chose que le poète fait murmurer a l'oreille 
        du survivant : " Ne crains rien, je suis là, je reste, pour t'attendre, 
        Sur l'échelon d'en bas de l'échelle d'amour ! " Au reste, une telle opinion n'était pas neuve, au temps 
        de Cicéron, qui s'exprime ainsi : " Je ne partage pas l'opinion soutenue depuis 
        peu, que l'âme périt avec le corps, et que la mort détruit l'homme tout 
        entier. J'aime mieux déférer à l'autorité des anciens et de nos pères 
        qui honoraient si religieusement les morts, ce qu'ils n'eussent certainement 
        pas fait s'ils avaient cru à leur entier anéantissement. " A mon tour, j'ose dire que la révélation m'en fut faite, 
        un matin du jour des Morts, dans une chapelle de banlieue ; je lisais 
        l'Épître de Saint-Paul, qui jusque-là n'avait été, pour moi, qu'un texte 
        sacré, lorsque j'arrivai à ce passage sur l'épi qui sort du grain de blé 
        et qui, cependant n'est pas le grain ; - et à ces mots : " de même 
        qu'il y a un corps matériel, de même il y a un cops spirituel ", 
        une confiance naquit en moi, qui s'est faite certitude, et depuis, n'a 
        plus été troublée. Je souhaite, mon cher ami, qu'une telle clarté se lève, 
        un jour, pour vous et en vous. Mais, ceci dit, reste le secret des larmes qui, (c'est 
        encore un poète qui l'a écrit) " coulent et ne se trompent pas. " ...................... Vous êtes un produit d'allégresse, moi, un produit 
        de mélancolie. Aussi vous sentez-vous, plus que moi, mal à l'aise dans 
        la douleur. Cependant, pour chacun de nous, le résultat est le 
        même. Vous ne pouvez tout à fait répudier votre allégresse, puisqu'elle 
        est de votre nature, et vous la redemandez à des amis. Seulement, elle 
        est devenue creuse. Moi, de même, je redemande, à la solitude, ma mélancolie 
        que j'aimais. Je l'y retrouve ; mais elle est devenue vide. Or, une allégresse creuse, et une mélancolie vide, 
        ce n'est que le même grelot privé de son. ..................... Je vous ai adressé un autre bien joli article inspiré 
        par mon livre. Comment ne pas croire que la force ardente de Celui qui 
        s'est prodigué pour moi, pendant vingt ans, et qui souffrait de ne pas 
        me voir apprécier autant qu'il le souhaitait, ne soit pas pour quelque 
        chose dans ces réparations tardives qui l'auraient rendu heureux et que, 
        sans, doute, il inspire, d'un autre point de l'univers où il continue 
        à n'assister de sa ferveur redoublée et de son dévouement amplifié ? à DES VOISINS Chers Voisins et Amis, Connaissant le prix que j'attache à l'élan, dans les 
        heures habituelles de la vie, comment pensez-vous que pourraient m'apparaître 
        ceux qui n'en feraient pas preuve dans les solennelles heures que je viens 
        de traverser ? Aussi l'avouerais-je ? le vôtre m'avait paru un peu lent 
        à exprimer son personnel deuil de l'être merveilleux, dont il vous fut 
        donné de mesurer le mérite, d'apprécier la force et la grâce, et qui. 
        vous avait fait, de cette dernière, une inoubliable part. Sans doute, comme la lumière des étoiles qui prend 
        du temps pour nous parvenir, l'obscurité de mon malheur ne vous aura pas 
        tout de suite visités ; et, si je fais allusion dans le passé à ce retard 
        d'un regret si juste, ce n'est que pour vous témoigner, une fois de plus, 
        de l'estime en laquelle je tiens l'exactitude des bons cœurs. Votre lettre 
        me prouve, cette fois encore, que vous êtes de ceux-là. J'en suis heureux 
        pour vous et pour moi. Mon art est ce qui me reste, et m'est devenu cent fois 
        plus cher, de toute l'ardeur qu'il inspirait à Celui qui n'est plus. Je n'ose parler de retour, tant je redoute de me retrouver 
        en un lieu si plein pour moi de souvenirs poignants et vivaces. Chaque 
        jour, je trouve de nouvelles raisons de retarder, dans de nouvelles raisons 
        de regretter. Recevez, en attendant, une pensée amie, qui mérite 
        de s'appeler comme ces tristes fleurs. à UNE VOISINE : Chère Madame, Merci pour votre sympathie. Elle inscrit votre nom 
        sur la liste bien nombreuse, bien éloquente et bien belle, de ceux qui 
        me resteront précieux, durant les jours qu'il me reste à vivre. Mon chagrin dépasse trop les limites humaines pour 
        que je puisse en parler. C'est pour cela que votre condoléance émue n'en demeure 
        pas moins fort au-dessous de la vérité quand elle dit que mon cœur se 
        serre ; il faut dire qu'il est brisé !... à DES PROCHES : Chère Amie, Merci pour votre compassion. Elle ne s'adresse qu'à une partie de ma douleur. Vous 
        n'avez pas connu Celui qui la motive. C'était un être magnanime et supérieur 
        que n'oublieront jamais ceux qui ont pu apprécier sa chaleur de cœur 
        et sa grandeur d'âme. Ce souvenir est à la fois ce qui me désole et ce qui 
        me console.  Votre affligé et affectionné. Chère ***, Merci pour l'expression de votre sympathie. Elle représente, 
        de votre part, un commencement d'équité à l'égard de Celui que l'aveuglement 
        et la méchanceté vous avaient appris à méconnaître. Le voilà désormais au-dessus du mensonge, et dans ce 
        royaume de vérité d'où il n'a que justice à attendre, étant de ceux qui 
        n'ont demandé à la vie que de témoigner leur dévouement et leur zèle - 
        et jusqu'à en mourir. Chère Amie, Merci pour votre souvenir. Un mot qui résume mes jours. 
        Vous y êtes souvent mêlée. Et bien récemment, au dernier battement d'ailes 
        d'un enthousiasme qui vécut et mourut pour moi. En dépit de votre indépendance d'idées, vous n'avez 
        pu juger mon admirable ami. Forcément, il vous apparaissait à travers 
        le jugement aveugle ou pressé, maladroit ou malveillant, d'ailleurs sans 
        importance, de voisins ou de proches qui feraient mieux de se juger eux-mêmes. 
        Nous y suppléons. Quand on n'a pas (et il faut pour cela beaucoup de 
        sagesse) réussi à faire, de ces sortes d'avertissements inverses, une 
        indication du mérite de ceux qui en sont l'objet, on méconnaît de précieuses 
        rencontres.  Vous souvenez-vous du long défilé de ces mille estampes 
        japonaises ? Il y en avait une qui représentait une femme voilée de noir.  Cette femme est devenue ma Vie. Votre bien attristé. Chère ***, Mon admirable ami me parlait toujours de la curiosité avec laquelle vous l'examiniez, lors de vos rares rencontres. C'est que vous pensiez voir, en lui, l'être légendaire 
        que vous décrivaient l'aveuglement et le mensonge. La curiosité, sans 
        cela, aurait fait place à l'appréciation et à la sympathie. C'est le plus haut caractère, la plus noble nature 
        qu'il m'ait été donné de connaître, et qui, je pense bien, ait existé jamais. La perte des êtres sublimes n'est pas tout-à-fait une 
        perte, elle devient une chose existante et belle, dont nous sommes encore 
        fiers, pour eux, et pour nous. Votre affligé et affectionné. Chère Amie, Croyez-moi très sensible à votre double souvenir. J'aurais été heureux de vous revoir et recevoir, toutes 
        les deux, dans la maison, toujours belle, mais désormais attristée, et 
        d'y rappeler avec vous le détail de la fête où mon pauvre ami s'était 
        fait une joie de se dépenser pour vous. En son nom, et au mien, je serai toujours, n'en doutez 
        jamais, heureux d'une occasion de vous être agréable. à UNE DAME : J'ai été très sensible à l'expression de votre condoléance, 
        au cours de la cruelle épreuve, je ne dis pas que j'ai traversée ; on 
        ne traverse pas ces épreuves, on y séjourne, et, du reste, avec une satisfaction 
        dans la mélancolie, qui, seule, sait occuper la place de ceux que nous 
        pleurons dignement. Il y a peu de chagrins parfaits. Heureux ceux qui méritent 
        de les éprouver ! Vous avez naguère témoigné à mon ami, une sympathie 
        qu'il méritait, et j'ajouterai dont l'échange était un privilège, venant 
        d'une nature si élevée et d'un si noble caractère. Puis les malentendus 
        humains, et les refroidissements mondains, sont venus, comme toujours, 
        s'exercer. A présent, il sourit à tout cela. Mais ceux qui l'ont 
        bien compris ne cesseront pas de le pleurer. à UNE AUTRE DAME : Chère Madame, Vous ne pouviez m'émouvoir plus sûrement qu'en évoquant, 
        avec la respectueuse sympathie à laquelle sa noble mémoire a droit, le 
        souvenir de l'admirable ami dont la perte est, pour moi, irréparable. C'était se rendre à soi-même justice, que de l'apprécier, 
        car jamais cœur plus magnanime ne palpita dans une poitrine humaine. Je vous félicite de l'avoir compris, je vous remercie 
        de me l'avoir exprimé. à UNE ÉTRANGÈRE : Chère Mademoiselle, Je vous dirai mieux, de vive voix, l'émotion éprouvée 
        à la lecture de votre admirable lettre, dont l'expression a fait jaillir 
        des larmes qui ne faisaient que couler. +°+ Chère Mademoiselle et Amie, Croyez-moi infiniment sensible à vos attentions si 
        délicates ! Merci pour vos magnifiques fleurs. Quand j'ai compris qu'elles étaient pour moi, elles 
        m'ont, tout d'abord, paru volées, à mon pauvre ami. Et puis, la pauvre 
        chose chagrine et humiliée que je suis devenu, en un jour, a cherché 
        à se persuader - vainement - qu'elle existait encore. Je traîne le fardeau de ma peine. Il y a dans la douleur 
        quelque chose d'exaltant qui rend presque heureux. C'est quand la douleur 
        tourne au chagrin qu'elle devient monotone et grise. à UNE AUTRE  ÉTRANGÈRE : Chère Amie, Oui, j'ai perdu tout ce que j'aimais le mieux, avec 
        mon art. Il me reste, et, j'espère, assez de compréhension, assez de sentiment 
        des choses divines et humaines, pour interpréter cette épreuve dans le 
        sens mystique qu'il leur plaira d'inspirer à ma survie. Vous aviez raison de me vanter le cœur et l'esprit 
        de votre amie. Elle me les a, tous les deux, témoignés, avec une élévation 
        et une délicatesse qui m'ont vivement ému et sincèrement touché. à UN ECRIVAIN : Mon cher Ami, Je tiens à vous redire, dès le premier effort que je 
        fais pour revivre, combien j'ai été sensible à votre condoléance préventive, 
        non moins qu'à celle qui a suivi. Vous voudrez bien, n'est-ce pas, au nom de ce souvenir, 
        accepter un objet ayant appartenu à mon pauvre ami. Merci encore. Vous comprendrez que je ne puisse encore 
        insister, sur un passé si récent et si douloureux, dont la consolation 
        sera de ne point passer. Je n'oublierai jamais que vous êtes de ceux qui sont 
        venus en des heures si fortes, qu'elles sonnent dans, notre cœur. à UN PRÈTRE : Cher Bon Pasteur et Ami, Excusez-moi de n'avoir pas encore répondu à votre excellente 
        lettre. Vous entendez mon silence. C'est un infandum jubes renovare 
        dolorem que requiert de moi chacune de ces réponses. Mais, ce calice, chaque jour renouvelé, contient de 
        si nombreux et si nobles éloges de Celui qui les mé ritait tous, que ma 
        douleur trouve à s'y désaltérer, en le renouvelant de ses larmes. Merci pour les lumineuses espérances que m'y verse 
        votre foi. à UN INDIFFÉRENT : Cher Monsieur, Merci pour votre sympathie retrouvée. C'est le propre de nos détresses (qui ne méritent pas, 
        à cause de cela, tout à fait ce nom) de faire ressortir, du cœur de nos 
        amis, des sentiments qu'eux-mêmes n'étaient pas bien sûrs d'y enfermer. 
        Mais, comme dit le poète, " une larme coule et ne se trompe pas. " Vous rapprendrez, je l'espère, le chemin de ma demeure 
        attristée, que vous avez, je ne sais pourquoi, un peu oublié. à UN  ENNEMI : Mon Cher ***, Excusez-moi de ne pas vous avoir remercié plus tôt, 
        pour votre mot de sympathie dans mon déchirant deuil d'amitié. J'y ai cependant, croyez-le bien, été d'autant plus 
        sensible que ces paroles, je l'espère, mettront fin aux malentendus qui 
        nous ont séparés, et que j'ai toujours déplorés, sans les bien comprendre. Aujourd'hui nous pourrons parler ensemble de Celui 
        qui n'est plus ; et, s'il vous est arrivé de le méconnaître, ou de ne 
        point aider à le faire apprécier, je ne vous en ferai pas le reproche, 
        mais je vous en donnerai le regret. Recevez, mon cher ami, l'affectueuse et sincère expression 
        de mes souvenirs affligés. (1) L'Angelot du Lude, dont notre ami nous avait envoyé une reproduction.  (2) Jour, de l'inhumation, le 6 août. | ||

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