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CHAPITRE VIII
I
Le garçon d'office, en quittant le salon du personnel, ayant fermé la porte derrière lui, les Puissances et les Dominations se regardèrent face à face, par-dessus les carafons, placés, selon l'usage immémorial, à égale distance entre Mr. Masterman, le maître d'hôtel, et Mrs. Markham, la femme de charge. Etaient présents aussi Mr. Simpson, valet de chambre particulier du général Medd, figure rasée aux lèvres hermétiques, miss Ferguson, femme de chambre, et
On a peine à s'expliquer par quel prodige les " histoires " intéressant les étages supérieurs descendent à l'office avec une précision aussi extraordinaire.
Le général, lady Béatrice et miss Deverell croyaient avoir fait preuve d'une discrétion exceptionnelle. La première lettre de May était arrivée la veille ; la seconde, dans l'après-midi ; c'est à peine si le général et sa femme se rendaient bien compte des simples faits. Et pourtant l'histoire était déjà connue, dans ses grandes lignes, de toutes les personnes distinguées réunies dans le " salon du personnel ". Une profonde mélancolie avait régné, durant le souper, au haut bout de la table des domestiques ; on eût dit qu'un deuil était survenu. Après la viande froide, l'aristocratie s'était levée et transportée solennellement au " salon " pour y manger le second service. Pendant cette deuxième phase du repas, on avait peu parlé et pas un mot n'avait été dit touchant le sujet qui pesait si lourdement sur les esprits. Enfin, quand on eut accompli le dernier cérémonial public, quand les " quatre mendiants " et les biscuits furent placés selon les rites, ainsi que les carafons, James, le garçon d'office, se retira et partit sur la pointe du pied pour discuter avec ses égaux sur " ce qui pouvait bien se passer ".
Alors Mr. Masterman indiqua d'un geste le carafon. Mr. Simpson se versa un verre de sherry qu'il souleva et tint un instant devant la lumière de la suspension ; puis il le vida et le posa sur la table.
Mr. Masterman commença par dire que " toute cette affaire était bien pénible ", Après quoi, ayant pris un temps, il résuma l'histoire en quelques mots.
La manière d'être des domestiques, selon qu'ils se trouvent en présence de leurs maîtres ou qu'ils sont entre eux, offre des différences remarquables. Tant qu'ils évoluent aux étages supérieurs, ce sont des figurants superbes, attentifs uniquement à ce qui concerne leurs attributions, aveugles, muets et sourds en dehors de cela. Ils sont tels qu'on les a façonnés, rien de plus. Et même dans les familles comme celles des Medd, où de longues années de service les élèvent à une situation plus importante et plus intime, la barrière invisible subsiste, rigide, inflexible ; il leur est permis d'être tristes en certaines circonstances douloureuses (cérémonies funèbres, par exemple) ou de sourire et de prononcer des discours à l'occasion des réjouissances de famille ; mais ils n'ont jamais le droit d'être eux-mêmes, fût-ce un seul instant. Au sous-sol, tout change. Ils lèvent le masque, se forment des opinions personnelles, et les expriment avec une liberté dont on les croirait incapables, à ne les juger que sur leur maintien officiel. Mr. Masterman, par exemple, se présentait dans les appartements sous l'aspect d'un serviteur grisonnant, courbé, empressé, à physionomie bienveillante et un peu inquiète, régnant sur ses inférieurs sans effort apparent, les guidant à la façon d'un rouage actionnant d'autres rouages, irrésistiblement, mécaniquement, reflet sympathique de ses supérieurs, faisant toujours ce qu'il fallait faire, ne voyant que ce qu'il fallait voir, ne risquant que très rarement et avec une humilité incroyable les quelques petites phrases familières auxquelles l'autorisait son long service. En bas, c'était un vieux sage, entêté dans ses opinions, doué d'une très forte individualité, fustigeant de sa parole cinglante les valets de pied et observant vis-à-vis des autres domestiques, soumis à sa loi, un silence écrasant.
Après avoir exposé les faits constituant l'incident de Rome, il formula une appréciation - défendable, somme toute, et généreuse. Le jeune Mr. Val n'était encore qu'un enfant, après tout ; Mr. Austin était un homme ; or, pouvait-on attendre d'un enfant qu'il se conduisît en homme? Certes, il y avait lieu de regretter que Mr. Val se fût trouvé dans un cas pareil, mais les esprits éclairés ne pouvaient se montrer sévères envers lui.
Puis ce fut le tour de Mrs. Markham. Pour elle, ce qu'il y avait de plus frappant dans l'histoire, c'étaient les instincts meurtriers des " papistes ". Tout le reste lui paraissait insignifiant ; elle était incapable de concentrer son esprit sur le rôle respectif des deux jeunes gens. Cette histoire ne faisait que confirmer tout ce que lui avait appris son oncle, jadis maître d'hôtel chez un archidiacre.
Miss Fergusson déclara que toute la culpabilité incombait à Mr. Austin, qui avait poussé Mr. Val à mal faire. Elle déclara que le châtiment éprouvé par Mr. Austin n'était que juste. Elle " déclara " ainsi un grand nombre de choses qui n'avaient aueun rapport avec le sujet.
Alors, Mrs. Bentham donna son avis. Elle offrait un spécimen du plus beau type qui soit au monde parmi les serviteurs : la vieille bonne. Elle occupait à Medhurst une position difficile à définir, et disposait de deux pièces pour elle seule. Elle " raccommodait " les effets de tout le monde, enveloppait les choses dans du papier de soie avec le plus grand soin et les mettait de côté, puis ne se rappelait plus où elle les avait mises. Tous les Medd, sans exception, l'aimaient, lui faisaient des cadeaux de valeur le jour de sa fête et l'embrassaient constamment ; elle était respectée des domestiques supérieurs, redoutée des autres ; car elle tenait son rang par la seule force de sa personnalité et par son intransigeant loyalisme.
Le premier article de sa croyance ou plutôt le premier axiome de sa philosophie édictait qu'aucun Medd ne pouvait jamais rien faire de mal ou de critiquable, à part des petites choses insignifiantes, telles que ne pas changer de bottines en rentrant, ou se coucher trop tard. Et les vues qu'elle exposa étaient en rapport avec cette croyance : elle regrettait que Mr. Austin se fût battu, mais il savait mieux qu'elle ce qu'il avait à faire, et sans doute avait obéi à quelque nécessité ; Mr. Val avait eu parfaitement raison de ne pas se battre : pourquoi se serait-il battu ? Restait ce qu'elle appelait " tous ces gens-là " et qui comprenait le Pape, le roi d'Italie,
Après un court silence, Mr. Simpson prit la parole.
Mr. Simpson, hors des planches, ressemblait infiniment à la plupart des gens qui l'employaient : il était malicieux, dédaigneux, sûr de lui et peu indulgent. En représentation il était bien entendu, la perfection même : effacé, silencieux et extrêmement capable.
Il exprima, en quelques phrases mordantes, une opinion conforme à celle qu'auraient adoptée la plupart des gens du monde : il se montra raisonnable et sans pitié. " Le jeune Mr. Austin n'avait fait que son devoir ; quant à master Val... " - et Mr. Simpson ricana désagréablement.
Alors Mrs. Bentham fonça sur lui, affirma que cette façon de parler des deux jeunes gentlemen était indigne. " II n'y avait rien à dire sur Val. Quand Mr. Simpson serait depuis plus longtemps au service de la Famille, il tiendrait un autre langage. " Mr. Simpson resta silencieux, tournant son verre entre ses doigts, permettant parfois à un petit sourire indulgent de contracter sa joue bistrée. Miss Fergusson se remit à " déclarer " d'innombrables choses.
Mr. Masterman, enfin, profita d'une trêve pour dire que moins on parlerait de tout cela, mieux cela vaudrait. Du reste, impossible d'étayer un jugement sur des données aussi restreintes. Surtout, que pas un mot ne fût prononcé en dehors de l'enceinte du " salon " ! Il fallait à tout prix empêcher qu'on soupçonnât quoi que ce fût dans le village.
Il repassa le sherry à Mr. Simpson, engagea Mrs. Bentham à en prendre un peu, puis se leva : c'était l'heure de monter les bougeoirs et les rafraîchissements.
II
Mrs. Bentham, après avoir pris sa dose de sherry, - un seul verre, ordonné par le médecin, - monta chez elle où elle arriva un peu essoufflée, tant par l'effort que par un dernier sursaut de colère. Elle était indignée qu'un homme qui n'était au service de la Famille que depuis trois ans se permît de parler des jeunes maîtres sur ce ton-là.
Voisins de l'aile occupée par les deux frères, ses modestes appartements avaient un cachet personnel et intime. Du parquet au plafond, les murs étaient couverts de photographies et de gravures. Dans la chambre à coucher on voyait presque exclusivement des portraits de
Mrs. Bentham - qu'on appelait familièrement Benty - était le digne possesseur de toutes ces merveilles. Sa philosophie, déjà décrite, s'étendait au surnaturel : le ciel, tel qu'elle se le représentait, consistait dans la possession éternelle, par elle, Benty, de ceux qu'elle chérissait (et, en vérité, il est difficile d'imaginer une conception meilleure) ; les Medd et elle-même formeraient un groupe céleste (portant des palmes et couronnés de gloire, bien entendu, ainsi que le voulait la tradition) et ne se quitteraient jamais. Elle leur offrirait le thé à travers l'Empyrée et ils viendraient s'asseoir avec elle dans sa demeure pendant qu'elle raccommoderait leurs nimbes...
Elle avait de pénibles sujets de réflexion, ce soir-là, plus pénibles qu'elle n'avait voulu en convenir, en bas, dans le " salon ". Elle s'assit donc dans un fauteuil, et, tout en inspectant une paire de chaussettes à travers ses besicles, se mit à réfléchir.
Ce n'est pas qu'elle admît, même alors la possibilité que Val eût commis une faute, mais le simple fait qu'on se crût autorisé à lui en reprocher une lui était douloureux. Loin, très loin, en dehors de son entendement, des questions et des doutes se pressaient, tandis qu'elle demeurait intérieurement ferme, inébranlable, adorant de toute sa foi les images familiales. Mr. Val, se disait-elle, avait parfaitement agi, il agissait toujours parfaitement. Et Mr. Austin lui aussi, avait bien agi. Le premier ne s'était pas battu, alors qu'apparemment il aurait dû le faire ; l'autre s'était battu, bien qu'il n'y fût pas obligé. Et tous deux avaient eu raison.
Elle méditait ainsi, tout en reprisant, la tète courbée, fixant sur son ouvrage ses beaux yeux creusés par la vieillesse, et serrant les lèvres. Elle était magnifique et romantique ainsi, sévèrement vêtue de noir, les épaules couvertes d'un joli châle noir tricoté, retenu sur la gorge par un médaillon d'émail, portant en chiffres bleus et or le nombre de ses anniversaires ; c'était le dernier cadeau d'Austin, de Val et de May.
Elle finit de ravauder la chaussette - une des chaussettes de Val, qu'elle avait gardées dans ce but quand il était parti en voyage - et, comme elle la rangeait, elle entendit le bruit d'une robe de soie et d'une canne sur le parquet. Elle se leva, et une voix qu'elle connaissait bien, dit derrière la porte : " Puis-je entrer, Benty ? "
Tout en répondant, elle se hâta de pousser son tabouret devant l'autre fauteuil. Lady Béatrice entra.
Sa maîtresse venait parfois ainsi, avant de se coucher, causer un peu avec elle près du feu. Mais ce soir elle semblait soucieuse et comme gênée en souriant à sa vieille amie. Elle s'assit sans rien dire, posa sa canne contre le mur et resta quelques instants à regarder l'âtre, sans prononcer un seul mot. Puis, soudain, elle se pencha et prit entre les siennes une des vieilles mains ridées.
- Nous avons des ennuis, Benty, dit-elle. La vieille femme se raidit, un peu nerveuse.
- C'est... c'est au sujet de Val, continua la mère du jeune homme.
En matière de tact et de discrétion envers ceux qu'elle aimait, Benty était inégalable. Elle sentait qu'il ne fallait rien laisser soupçonner de la conversation qui venait d'avoir lieu dans le " salon " et qu'elle avait désapprouvée sans pouvoir y mettre obstacle. L'histoire avait transpiré, surtout, parce que Simpson se trouvait dans le fumoir à un moment où les maîtres le croyaient absent. Puis à un moment où ses maîtres le croyaient absent, Masterman, ayant entendu lui aussi la fin d'un entretien, on avait juxtaposé les faits de façon assez plausible.
- Qu'est-ce qu'il a fait, mylady ? demanda-t-elle, en tâchant de dissimuler le tremblement de sa voix.
- Nous... nous craignons qu'il ne se soit pas bien conduit. Il a... il a laissé Austin s'exposer à un danger, à sa place. Et... et je suis obligée de vous en parler, Benty, parce qu'Austin a été blessé.
La vieille femme la regarda d'un air consterné. Elle trouvait affreux qu'une Medd accusât un Medd. Comment se pouvait-il que tous deux fussent dans le vrai ? Et pourtant cela devait être ! Lady Béatrice se méprit à l'expression de Benty ; l'étreinte de ses mains s'accentua.
- Ne vous frappez pas ainsi, dit-elle ; Austin n'est plus en danger maintenant. Il a été blessé au bras dans un duel où... où je crois que c'était plutôt à Val de se battre.
Benty devint provocante.
- Comment cela, mylady ? Mr. Val est trop raisonnable pour se battre en duel.
- Vous ne comprenez pas, ma chère...
- Et puis, c'est encore un enfant ! s'écria résolument Benty. Comment pouvait-on s'attendre à ce que...
- Benty, vous ne comprenez pas. Evidemment, un duel est une chose très blâmable ; si les deux adversaires s'étaient abstenus, c'eût été différent ; mais il paraît que c'était inévitable et...
- Et Mr. Austin a pris la place de Mr. Val. Il a bien fait ; il est l'aîné. C'était son devoir.
Lady Béatrice ne répondit pas. Ce plaidoyer lui faisait l'effet d'un baume ; elle avait essayé de dire cela tout à l'heure à son mari, mais elle sentait, en le disant, qu'elle n'était pas sincère. Et pourtant il lui était doux de l'entendre d'une autre bouche. Elle fixa de nouveau son regard sur le feu et se mit à caresser doucement la vieille main qu'elle tenait dans les siennes.
- Ne vous tourmentez pas, ma chère, continua Benty, surexcitée par la situation périlleuse où elle se voyait et en tapotant à son tour la main de lady Béatrice ; Mr. Val s'est conduit comme devait se conduire un jeune gentleman, et Mr. Austin aussi. Mais, que voulez-vous ! quand on va dans ces pays étrangers, on est forcé d'avoir des histoires ; et quoi d'étonnant à ce que Mr. Austin en subisse le contre-coup ? (Benty était assez contente de cette phrase.) Mr. Val ! mais voyons, c'est un enfant ! Ne vous tracassez pas, mylady... (et comme sa maîtresse inclinait soudain la tête au-dessus des bonnes vieilles mains) là... là... Remettez-vous, ma chère. Il est temps d'aller vous coucher.
Pendant quelques minutes, elles demeurèrent silencieuses. Lady Béatrice s'était ressaisie presque instantanément et se tenait adossée dans le fauteuil, les yeux encore humides, mais calmée, réconfortée par la vieille présence familière et loyale, par sa chaude tendresse et son admirable charité. Elle savait que Benty ne comprendrait jamais, qu'elle se refuserait, tout simplement, à comprendre ; après tout, c'était une philosophie aimable et peut-être sage que ce refus de juger, cette fidélité à un principe, cette négation de tous les faits susceptibles de l'ébranler. Elle enviait presque cette force de croyance, cette foi absolue - et en même temps reconnaissait qu'il lui était interdit de
Elle se leva péniblement, s'appuyant d'un côté sur sa canne et de l'autre sur le bras de Benty.
- Vous êtes un amour, dit-elle ; et elle l'embrassa. Maintenant, il faut que j'aille me coucher.
- Est-ce que le maître est très ennuyé ? demanda la vieille femme anxieusement.
- Oh ! oui, répondit lady Béatrice.
III
Benty accompagna sa maîtresse jusqu'à la porte de sa chambre et lui promit de revenir une demi-heure après pour border son lit. Elle retourna ensuite chez elle et resta pendant quelques minutes à " tourner " dans son petit salon. Elle était trop agitée pour se remettre à coudre. Elle se borna donc à faire la revision des chaussettes, introduisant son poing dans chacune d'elles afin d'en mieux découvrir les minceurs vulnérables ; elle les compta par deux fois pour s'assurer que le nombre y était. Puis, elle remonta sa montre en or, cadeau du général. Elle alla ensuite dans sa chambre voir si tout était bien préparé pour la nuit (une seconde femme de chambre était chargée d'y veiller). Puis, enfin, elle se rassit devant le feu, les mains croisées.
Un peu au-dessus de la cheminée était suspendu un long cadre contenant, rangés comme dans un musée, les photographies du général Medd, de lady Béatrice, de Minnie, morte en bas âge, d'Austin, de May, de Val ; et, en dernier, par un privilège spécial, l'image sévère de miss Deverell. Une ou deux fois, elle leva les yeux pour contempler les portraits, notamment ceux des deux garçons, - Austin, à l'âge de seize ans, avec un col beaucoup trop haut pour lui, un front intellectuel dont on avait, sur les conseils du photographe, brossé soigneusement les cheveux en arrière ; et Val, âgé de treize ans, vêtu du costume d'Eton, et appuyé à la balustrade sur un fond représentant
Et Benty sentit renaître son petit combat intérieur. Les doutes et les questions, qui, jusqu'alors, n'avaient fait que frapper à la porte, insistaient maintenant, plus péremptoires, plus précis. Que Simpson se permît des critiques, passe encore ; mais voici qu'un membre de
Les gens simples et inéduqués n'ont guère la faculté de sortir d'eux-mêmes, de s'observer, de s'analyser. C'est tantôt un bien et tantôt un mal. Pour Benty, ce soir-là, ce fut un bien. Elle combattait pour son garçon, impulsivement et avec une partialité absolue. Elle profitait des moindres avantages et rejetait de parti pris toute objection. Elle soutenait que Val était un enfant, se refusait à convenir qu'il devenait un homme. Elle se pénétrait de l'idée que le duel était une chose criminelle - et repoussait l'inévitable conclusion qu'en ce cas Austin n'aurait pas dû se battre (car elle avait résolu de le défendre lui aussi, et tout autant que Val, puisqu'ils étaient Medd l'un et l'autre).
Le grand mot de Benty, c'était : " convenable ". Il comportait mille teintes, mille nuances ; il signifiait, d'une façon générale, " ce qu'avait établi la convention " ; mais il se drapait de religion, de nobles instincts, de préjugés violents et beaux. Or, pour se sentir contente, il fallait qu'elle pût accorder la sanction de cette épithète à tous ceux qui avaient du sang Medd dans les veines et décréter que son maître avait raison d'être ennuyé, sa maîtresse d'être triste, Austin de s'être battu, Val de ne s'être pas battu et qu'en dehors d'eux tout le monde avait tort ; " ceux de là-bas " et, ici, Simpson - surtout Simpson.
Naturellement, elle remporta
Une grande joie descendit sur Benty pendant que l'ennemi se repliait. De vagues visions lui montraient les deux jeunes gentlemen et miss May rentrant à
Avant d'aller chez " la maîtresse ", comme elle le lui avait promis, elle fit une chose inaccoutumée : elle se pencha vers le cadre qui contenait trois photographies et embrassa doucement celle du petit garçon boudeur appuyé sur la balustrade au milieu des montagnes de
IV
- Benty, dit lady Béatrice, en la regardant par-dessus les draps, est-ce qu'en bas - Master-man par exemple - on a parlé de ce que je vous ai dit ?
Benty, le visage sérieux, était occupée à secouer les bas, préparés par miss Ferguson d'une manière qu'elle désapprouvait, et feignit de ne pas entendre.
- Benty, répondez-moi ;
- Comment, mylady ?
- Est-ce qu'ils en ont parlé en bas ?
- Et comment auraient-ils pu ? demanda la vieille femme avec une indignation subite. Vous ne m'en avez parlé vous-même que ce soir ; et vous pensez bien que je n'ai pas été...
- Alors, ils n'en ont pas parlé ? persista l'autre, qui gardait l'impression désagréable d'avoir aperçu trop tard Simpson, pendant qu'elle causait, dans le fumoir, avec son mari. En outre, il lui semblait que Benty avait été bien prompte à comprendre la situation...
Bcnty hésita. Puis, avec force, elle mentit.
- Non, mylady. Et s'ils s'en avisaient, je saurais bien les faire taire.
Lady Béatrice poussa un soupir de soulagement et reposa sa tête sur l'oreiller.
- Embrassez-moi, Benty, dit-elle. Bonsoir.
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